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torse qui lui était donnée, du consentement de M. Barrot, dans la commission d’organisation administrative. On a très justement soutenu que la changer un peu, c’était l’ébranler sans profit ; que la changer beaucoup, c’était vouloir tout un remaniement politique. M. Faucher, qui avait exprimé avec le plus de force et de vivacité les appréhensions que tout le monde ressentait, a été chargé par la réunion des Pyramides de provoquer le plus tôt possible une discussion solennelle sur la loi du 31 mai.

L’occasion se présentait très naturellement, l’assemblée était saisie de différentes propositions qui toutes concluaient à l’abrogation directe ou indirecte de la loi. M. Dabeaux la demandait à propos des élections municipales, M. Arnaud (de l’Ariège) pour toutes les élections, quelles qu’elles fussent ; M. Victor Lefranc se serait contenté d’une sorte d’enquête et attaque sous la forme la plus inoffensive, comme il convenait au plus mitigé des républicains. Que l’assemblée mit à l’ordre du jour toutes les propositions ou l’une d’elles, on aurait enfin pu se compter. Beaucoup de dissidences qui se perpétuent, parce qu’elles n’ont point trop à s’accuser et à se produire, auraient certainement hésité devant l’éclat d’une rupture ouverte à la face de la France, devant l’éclat plus scandaleux encore de quelque alliance monstrueuse. Il eût fallu voir les légitimistes, avec leurs intérêts permanens d’ordre et de conservation, tendre la main sans rougir au parti radical pour marcher ensemble à l’assaut de la seule barrière qui garantisse encore la société contre les abus du suffrage universel. Le grand jour du scrutin porte souvent une lumière secourable dans beaucoup de consciences qui croyaient plus aisé de mal faire tant qu’elles étaient repliées dans leur ombre. S’il y avait un terrain solide et, bien préparé pour refaire la majorité et, en même temps que la majorité, le gouvernement lui-même, c’était celui-là. On trouve par malheur dans l’assemblée des politiques qui ne tiennent pas à ce qu’il y ait tout de bon un gouvernement, encore moins à ce qu’il y ait une majorité, et cette pensée de désorganisation, ce n’est pas seulement la montagne qu’elle possède, il n’y aurait rien à dire ; ce sont quelques bancs de la plaine, aussi agités et agités d’un mouvement aussi stérile que ceux de l’extrême opposition.

La discussion n’a donc pu s’engager comme l’eût voulu la réunion des Pyramides, comme l’essayait énergiquement M Faucher en provoquant des adversaires. Ça été d’abord M. Baze qui a soulevé la même question, mais sous un aspect par où, sans la trancher, on pouvait du moins se procurer le plaisir d’en faire un désagrément personnel pour le président de la république. Établir, selon le vœu de la réunion des Pyramides, que la loi du 31 mai demeurait notre unique loi électorale, n’était-ce pas aussi couper court à toute pensée de distinction originelle entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, n’importe où cette pensée existât ? Faire décréter par l’assemblée que le président et le parlement ne pourraient être élus que par les mêmes électeurs et par la même loi, ce n’était pas affirmer aussi péremptoirement l’objet essentiel, la loi du 31 mai ; c’était, en revanche, réunir dans un complément de coalition ceux même à qui cette loi déplaît pour frapper le pouvoir exécutif, d’un vote de suspicion. Voilà ce que signifiait la proposition de M. Desmars, lequel n’est point d’ailleurs partisan de la loi du 31 mai, et c’est pour cela sans doute que M. Baze ne voulait point laisser tomber cette proposition. Il paraîtrait que