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Mortes, vous savez nous guérir ;
Je vois dans votre humble calice
Le ciel entier s’épanouir.
O véroniques, sous les chênes,
Fleurissez pour les simples cœurs
Qui dans les traverses humaines
Vont cherchant les petites fleurs.

Un journal anglais, le Morning Chronicle, citait dernièrement cette strophe et la comparait aux poésies de Wordsworth ; en effet, Wordsworth n’a pas de plus mystiques rapprochemens ni de plus subtiles analyses : que l’on relise, pour s’en convaincre, les pièces à la Marguerite.- Nous pourrions multiplier ces citations ; ces deux exemples nous suffiront. Laquelle de ces deux strophes exprime le mieux l’originalité de l’auteur ? Ni l’une ni l’autre. Eh bien ! il n’y a pas plus d’unité de sentiment dans tout ce volume qu’il n’y a de ressemblance entre ces deux strophes.

Toutes les pièces de la Muse populaire contiennent des vers remarquables, mais il n’y en a peut-être pas trois qui soient complètement irréprochables. Si M. Pierre Dupont écrivait de longs poèmes, nous passerions volontiers sur quelques négligences et quelques incorrections ; mais, puisqu’il se borne à écrire de petites pièces lyriques, il doit savoir que ce genre n’a de valeur qu’autant que l’inspiration s’y unit à la perfection de la forme. Un sonnet, une chanson, veulent être parfaits, et les beaux vers qui peuvent s’y trouver ne compensent jamais les imperfections, même légères. Le prix de tous ces petits ouvrages est dans le fini du travail, dans l’exquis de la forme. Pourquoi M. Dupont ne se donne-t-il pas la peine de composer et de développer sa pensée ? L’idée première de ses chansons est heureuse d’habitude ; mais l’exécution est bien loin de répondre à l’idée. Par exemple, nous avons remarqué une pièce très mal conçue, très mal composée, intitulée le Tueur de lions. Dans l’idée première de cette chanson se trouve le germe de tout un petit poème populaire. Ce simple soldat d’Afrique qui, sorti de son village il y a trois ou quatre ans à peine, a eu à se mesurer non-seulement avec les populations ennemies, mais avec les bêtes sauvages, et qui rapporte à son retour la peau du lion qu’il a tué, ne vous semble-t-il pas capable de fournir à un poète le sujet d’un chant naïf et délicieux ? Les histoires qu’il raconte auprès du foyer de sa chaumière aux paysans de son village ébahis devant ce trophée, dépouille d’un monstre qui leur est inconnu, ne pensez-vous pas qu’elles peuvent égaler en exagérations fabuleuses et en poétiques hyperboles les récits des marins espagnols ou portugais du XVIe siècle ? Et les commentaires des spectateurs, et l’orgueil de la vieille femme et du vieillard, assis près de leur fils, est-ce qu’il n’y avait pas là les élémens d’un