Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/761

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle n’était pas le parlement lui-même. Si les esprits élevés, si les hommes habitués au maniement des affaires réduisaient la commission à sa juste valeur, ceux qui n’étaient pas aussi bien préparés pour leur poste croyaient presque que le pouvoir législatif avait augmenté d’intensité en se concentrant dans leurs personnes. Ils ne pensaient jamais avoir fait assez ce qu’ils avaient à faire, et, chargés de surveiller la situation, ils l’ont trop surveillée, au point, en vérité, de se troubler la vue. Les effarés se sont mis à la besogne avec les importans, et peu s’en est fallu que tous de concert n’aient fait d’assez mauvaise besogne, pour s’être trop hâtés d’en appréhender de trop vilaine.

Maintenant que voici l’assemblée réunie dans le calme d’une heureuse arrivée, dans la possession de meilleurs auspices, il est permis d’espérer qu’il ne lui reste plus qu’une seule de ses deux difficultés de ménage avec le président, — celle, hélas ! qui ne dépend ni du président ni d’elle, celle qu’on a systématiquement insérée dans le contrat, la difficulté de la constitution faite exprès pour les empêcher l’un et l’autre de vivre en bon accord. À celle-là le remède n’est pas tout prêt ; mais il est certain en son temps, et tout le monde est intéressé à ce qu’il réussisse. Le remède, c’est la révision. Armons-nous donc d’avance pour aller jusque-là ; armons-nous de bonne volonté, de bonne entente mutuelle, pour gagner, quand elle sera venue, cette difficile journée. Qu’il n’y ait plus alors qu’une règle de conduite parmi les honnêtes gens, non pas de voter les uns contre les autres pour la plus grande gloire de telle ou telle opinion particulière, mais de voter tous ensemble pour la conservation des intérêts et des principes qu’ils ont en commun. Sinon, la démagogie est là qui veille encore, et n’aspire qu’à frayer sa route dans les interstices de nos rangs débandés. Lisez les prédications de Mazzini, les décrets révolutionnaires lancés à travers les barreaux de Doullens, les correspondances des conspirateurs de Lyon : vous verrez s’il est bon de se précautionner contre ces surprises-là ! Lisez le dernier rapport de la cour des comptes sur l’exercice 1848 : vous verrez le taux auquel on paie la sottise de s’être laissé surprendre !

Quoi qu’il en soit, il est pour nous, pour l’Europe entière, un danger plus immédiat que cette propagation, tantôt sourde et tantôt bruyante, des mauvaises doctrines sociales : c’est la guerre, et peut-être la guerre universelle, toujours en suspens de l’autre côté du Rhin. Les dernières nouvelles paraissent, il est vrai, donner un meilleur espoir de conciliation, et, si les deux puissances aux prises écoutent la voix de leurs plus graves intérêts, elles comprendront que de part et d’autre la sagesse la plus simple leur ordonne des concessions réciproques. La Prusse, avertie par tant d’échecs successifs de la témérité de ses ambitions, ne se déshonorerait pas pour y renoncer dans ce qu’elles ont d’impossible ; mais il ne faudrait point que l’Autriche lui rendit la renonciation trop difficile par pure envie d’infliger un outrage de plus à des rivaux abattus.

On dirait que les conseils de la cour de Berlin sont en proie à une fatalité implacable. L’esprit du souverain, si rudement éprouvé par tant de contradictions et de secousses, ne sait plus s’arrêter à aucun parti ; la mort elle-même semble s’unir à sa mauvaise fortune pour lui retirer ses appuis naturels, et le précipiter plus avant que jamais, au moment le plus critique, dans les terrible incertitudes où flotte sa conscience. Le 3 novembre, il acceptait la retraite de M. de Radowitz, ce fidèle compagnon des chimères et des déceptions de sa vie ;