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qui exploitent l’ouvrier, etc. Il n’y a qu’une question qu’on n’a point achevé de résoudre dans ce meeting d’Albany, c’est la question de l’organisation du travail : il est vrai qu’elle est restée pendante en plus d’un autre endroit.

Quoi qu’il en soit, cette alliance des free-soilers avec des radicaux qui jusqu’ici n’avaient pas eu de place aussi distincte dans les combinaisons politiques achève de troubler les whigs. Jusqu’ici, les partis procédaient en Amérique beaucoup plutôt de la divergence des intérêts matériels que de pures contradictions en matière de théories. Le grand débat entre les whigs et les démocrates, c’était de savoir si le gouvernement central pèserait sur les gouvernemens particuliers, ou si ceux-ci lui échapperaient. Voici que la théorie abolitioniste mène une partie des whigs à sacrifier leurs anciennes doctrines de centralisation et d’unité fédérale au point de pousser sans scrupule à une rupture ouverte avec les états du midi ; voici que malgré la sagesse de leurs antécédens, malgré les habitudes modérées de leur politique, ils tendent la main aux utopistes de la démagogie. Il est juste de dire qu’une portion considérable du meeting de Syracuse a déclaré qu’elle faisait scission et convoqué les whigs pour le 17 d’octobre à Utique ; mais s’il est encore, ainsi qu’on le voit par là, des whigs nationaux, préoccupés avant tout du maintien de l’union et décidés à soutenir le compromis de M. Clay, les whigs abolitionistes, mettant l’intérêt de leur idée au-dessus de l’intérêt général de la république américaine, faciliteront évidemment la victoire des démocrates, qui paraissent ainsi à peu près sûrs de l’emporter dans l’état de New-York. Cette opposition quand même au bill des esclaves se présente dans la Nouvelle-Angleterre comme à New-York. On en est à croire que le congrès, aussitôt rentré en session, sera saisi de plusieurs projets abolitionistes, et qu’on commencera par demander le rappel de la loi d’extradition. Ce serait, en propres termes, un cartel envoyé par les états du nord à ceux du midi, et l’on conçoit que ces derniers, en face de cette agitation chaque jour croissante, veuillent se tenir en garde. Voilà ce qui explique pourquoi l’on convoque les assemblées de la Georgie et du Mississipi, pourquoi les négocians de la Caroline se préparent, dit-on, à jeter l’embargo sur les vaisseaux du nord, pourquoi l’on dit déjà que la convention qui doit encore se réunir à Nashville, le 11 novembre, proposera l’établissement d’une sorte de congrès à part pour tout le midi. Surprise par ce retour soudain d’une effervescence qu’on avait pu croire apaisée, la république américaine en est de nouveau, comme la nôtre, à placer tout son espoir dans un seul recours, dans la bonne entente des hommes modérés de tous les partis. Si l’on ne réussit pas à sauver ce compromis de M. Clay, dont l’enfantement avait déjà coûté tant de peine, l’Union n’aura jamais été plus en danger de se dissoudre.

Ces funestes divisions, qui semblent incessamment renaître dans l’Amérique du Nord, s’effacent, au contraire, de plus en plus dans la grande république américaine du midi. La Confédération Argentine, sous le ferme gouvernement du général Rosas, entre dans une ère de prospérité pacifique qu’il est à propos de signaler au moment où le nouveau traité conclu par l’amiral Leprédour doit être porté devant notre assemblée législative. Le rétablissement de relations amicales et régulières entre la France et la Plata ne nous parait plus douteux. Nonobstant le mauvais effet que pouvait avoir l’expédition malencontreuse