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Pillersdorf, a donné un exemple doublement salutaire ; il a maintenu sa complète indépendance, tout en se résignant avec sincérité aux transformations de l’état. Cette résolution si nette, cet amour si décidé du vrai, cette absence de toute récrimination passionnée chez un des chefs du parti vaincu, attestent les dispositions austères de la pensée publique. Errando discimus, cette formule stoïque inscrite à la première page de son livre n’est pas une formule vaine ; elle remplit tout l’ouvrage et lui donne une vie singulière. Comme un esprit abusé qui revient au sentiment des choses réelles, l’auteur est impatient de pénétrer les causes et le caractère des catastrophes récentes. Ce ne sont pas les révolutionnaires qui ont fait tout le mal ; ils ont eu des auxiliaires qui ne s’en doutaient pas ; voilà ce qu’il faut oser dire, et en effet le publiciste anonyme répète, comme une sentence, le vers d’Horace :

Iliacos intra muros peccatur et extra

Il est manifeste enfin qu’une seule inspiration l’anime, le désir de bien comprendre la situation présente, l’intention de se soumettre en bon citoyen aux nécessités impérieuses, sans renoncer à son libre arbitre. N’est-ce pas là un fait digne de remarque chez le représentant d’un parti qu’une longue habitude du pouvoir absolu devait rendre sourd à tous les bruits du siècle ? Et ne voit-on pas là une vivante image de cette régénération de tout un pays ?

Il serait curieux, en vérité, que l’ancienne opposition libérale allemande eût moins bien profité de l’enseignement de 1848 que l’absolutisme lui-même. Cette opposition était généreuse et honnête ; mais avait-elle un sentiment vrai de ce qui manque à l’Allemagne du midi ? L’événement a prouvé le contraire. Elle adressait au gouvernement autrichien maints reproches qu’elle méritait autant que lui. Elle l’accusait de ne pas connaître le pays, de ne pas tenir compte des progrès du siècle, d’ajourner toutes les questions, de prendre une sorte d’administration de ménage pour les devoirs sérieux de la politique. Or que faisait-il, ce parti lui-même, lorsqu’il se payait de phrases sonores et de je ne sais quelles aspirations confuses ? La poésie a été long temps l’organe de cette opposition, d’abord parce que la presse n’était pas affranchie, et surtout parce que les désirs du libéralisme, trop indécis pour inspirer un publiciste, trop vagues pour subir l’épreuve du grand jour, couraient beaucoup moins de risques à se traduire dans la langue des rêveurs. C’était M. Nicolas Lenau, imagination ardente, esprit tourmenté, qui ressentait comme une injure présente les vieilles iniquités du moyen-âge et célébrait avec un sombre enthousiasme les révoltés ou les martyrs de la pensée, Savonarole et Joachim de Flores. C’était l’aimable et sympathique chantre de la Bohême, M. Maurice Hartmann. C’était surtout le chef de la poésie politique en Allemagne, M. le