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placement de fonds ; tout au contraire, il retira des mains de MIM. Coutts, ses banquiers à Londres, dès 1818, une somme de 300,000 fr., pour contribuer, avec la vente de plusieurs propriétés, à la liquidation de la succession de son père. Le faible reliquat qu’il laissa chez MM. Coutts représentait le dernier reste des économies de son modeste ménage depuis son mariage avec la princesse des Deux-Siciles. C’est ce compte ancien et réduit, dont le chiffre ne s’est jamais accru que des intérêts de la petite somme primitivement placée, lui a été l’occasion et l’objet des comptes de MM. Coulis publiés par la Revue rétrospective[1]. « La branche d’Orléans, disait M. Dupin le 14 janvier 1832 à la chambre des députés, la dynastie aujourd’hui régnante s’est identifiée avec la nation française au plus haut degré. Jamais prince, jamais dynastie n’a plus lié son sort et ses destinées au sol de la patrie que la maison d’Orléans : elle a confié son avenir et tout ce qui lui appartient au sol français. Non-seulement le roi actuel n’a jamais acheté de biens qu’en France, mais il n’a jamais placé d’argent qu’en France ; tout est sous la main de la nation, comme tout est sous la garde de son gouvernement constitutionnel. »

Ainsi le roi, fidèle à lui-même, refusa constamment de faire aucun placement à l’étranger, soit sur les fonds de sa liste civile, soit sur les revenus du domaine privé. Il ne consentit pas même à prendre les sûretés qui lui étaient demandées pour les dots des princes ses fils ou des princesses ses filles. Noble témérité qui a permis au gouvernement provisoire de saisir à la fois les biens de toute espèce du roi et de la famille royale, depuis les forêts séculaires du domaine privé jusqu’à la dot de la reine des Belges, depuis le douaire de Mme la duchesse d’Orléans jusqu’à la fortune tout entière (17,000 francs de rente 5 pour 100 au porteur) de son plus jeune fils, le duc de Chartres ! Patriotique imprudence, qui a fourni aux passions démagogiques les moyens de priver en même temps le roi et tous les membres de sa famille de toute espèce de revenus pendant plus de neuf mois !

Les embarras de la liste civile et du domaine privé remontent aux greniers jours qui suivirent la révolution de 1830. À cette époque de

  1. La Revue rétrospective était une publication qu’on peut caractériser plus ou moins sévèrement, mais que, pour ma part, je suis disposé à absoudre de toute complicité avec les passions du gouvernement provisoire. Les lettres du roi et les documens relatifs à la famille royale publiés par ce recueil ont été en fait le plus bel hommage que l’on pût rendre au patriotisme, à la loyauté, à la pureté de sentimens des princes exilés. C’est ainsi qu’après avoir lu la correspondance du roi des Français avec le roi des Belges de 1831 à 1834, il n’est plus permis de croire à la calomnie de la paix à tout prix, et qu’après avoir lu les lettres écrites par le roi Louis-Philippe à l’occasion des mariages espagnols, et surtout son exposé du 14 septembre 1846 à la reine des Belges, il est impossible, en France comme en Angleterre, de croire encore à l’accusation d’ambition de famille et de déloyauté envers un allié fidèle.