Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1032

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du XVIIe siècle avaient, dès le commencement, dispersé les écoles de gravures établies à Nuremberg, à Augsbourg et dans plusieurs autres villes. Mathieu Mérian et ses élèves s’étaient retirés à Francfort, seul point du territoire où l’art fût encore pratiqué ; quelques graveurs allemands avaient passé dans les Pays-Bas, le plus grand nombre s’était réfugié en France. Beaucoup de ceux-ci ne retournèrent dans leur patrie qu’à un âge où ils ne pouvaient plus produire, beaucoup d’autres se fixèrent à Paris et y moururent : de là, cette multitude d’estampes allemandes gravées, sous le règne de Louis XIV, d’après les maîtres de notre école ; de là aussi ce style français qu’on remarque même dans les œuvres exécutées d’après d’autres modèles. Ainsi les portraits de Michel Letellier et du président Dufour, gravés d’après Vouet, par Jean Hainzelmann, ne diffèrent presque point, quant au goût et à la manière, de ceux qu’il fit plus tard d’après Ulrich Mayer et Joachim Sandrart. Les planches d’histoire publiées à cette époque témoignent d’un zèle d’imitation non moins grand ; l’art allemand y est naturalisé français, pour ainsi dire ; et Gustave Ambling, Barthélemy Kilian[1], une foule de leurs compatriotes, élèves comme eux de François Poilly, pourraient être rangés parmi les graveurs de notre école, si l’on ne considérait que le caractère de leurs travaux. — Un examen attentif des estampes gravées par les artistes flamands et hollandais contemporains d’Édelinck inspirerait une réflexion analogue, mais il révélerait aussi quelques brillantes exceptions au système généralement adopté. Il est permis de ne voir dans Van-Schuppen qu’un habile élève de Nanteuil, dans Corneille Vermeulen qu’un imitateur moins heureux de celui-ci : en revanche, on ne saurait rapprocher des estampes françaises les ouvrages de Corneille et de Jean Wisscher, sans être frappé du talent original de ces artistes. L’aîné des deux frères a, dans ses planches si justement célèbres de l’Antiquaire, du Vendeur de mort aux rats et de la Fricasseuse, réussi à donner de l’intérêt à des sujets au moins insignifians : l’autre a prouvés dans ses beaux portraits où le travail savant du burin s’allie aux effets pittoresques de l’eau-forte, qu’il était possible de traiter ce genre avec succès sans se conformer absolument à la méthode suivie par les plus illustres maîtres. — Tandis que l’influence française devenait de plus en plus manifeste dans les œuvres de la gravure en Italie, en Allemagne et dans les Pays-Bas, les graveurs anglais n’avaient encore ni tendances qui leur fussent propres, ni assez d’expérience de l’art pour profiter de nos leçons. Le temps était proche cependant où l’Angleterre allait sortir de cette longue léthargie, participer au mouvement général et se créer enfin une école. Le progrès fut dû en partie à Reynolds,

  1. Auteur de l’Assomption d’après Philippe de Champagne. — Il ne faut pas le confondre avec un autre Barthélemi Kilian, son aïeul, et chef de cette famille dans laquelle on ne compte pas moins de vingt graveurs.