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un accroissement immense ; des fortunes gigantesques, entre autres celle de M. Appleton, un des hommes les plus estimés du pays, s’élevèrent ; on cria beaucoup, et cependant on achetait par là l’établissement de Lowell, gloire et bienfait pour l’Amérique. Les Caroliniens du sud et les états à esclaves reprochaient aux capitalistes manufacturiers du nord de mettre à profit l’élévation des tarifs et de s’enrichir aux dépens du consommateur ; ceux-ci de leur côté accusaient tout le sud de maintenir l’esclavage, de blesser les lois premières de l’humanité et de compromettre à la fois l’intégrité fédérale du pays, son unité morale et son honneur aux yeux du monde. Ici se présente le problème de l’esclavage. Légalement la question semble minime. La constitution américaine ayant établi en principe l’autonomie de chaque état, et fait de la question de l’esclavage une question d’administration locale, le congrès n’a point le droit de prononcer l’émancipation générale des esclaves. À cela les abolitionistes répondent que Washington est situé dans un état à esclaves, que les règlemens particuliers du congrès lui permettent et même lui enjoignent de déterminer les mesures locales nécessaires à son repos et à sa dignité, et qu’en maintenant l’esclavage dans sa circonscription. Il détruit l’équilibre et blesse l’équité. Tel est le terrain épineux et restreint où se renferment, sans pouvoir en sortir, la discussion et la chicane parlementaires ; c’est en dehors de ce cercle que se trouvent les vraies causes de la difficulté.

Elles ont leurs racines, comme tout ce qui appartient aux États-Unis, dans la tradition calviniste, dans le respect pour la liberté des groupes, surtout dans l’esprit de race. Non-seulement les noirs servent d’instrumens nécessaires à la grande conquête, à la vaste entreprise des Américains, mais il y a des localités où les remplacer serait difficile ou impossible ; dans presque toutes, l’orgueil du sang, que la population du sud pousse à l’extrême, s’oppose à ce qu’ils soient considérés comme des frères et presque comme des hommes. Près de trois millions d’esclaves noirs dans les États-Unis sont frappés d’ostracisme. Le noir n’est pas de la race, il n’est pas fellow ; il ne ressemble en rien au fils de Japhet ; inférieur, rien au monde ne peut le relever. Pour concilier cette anomalie avec leurs principes, les puritains du nord disent qu’ils ont le droit de se séparer des noirs, comme les anabaptistes s’isolent des mormons, et les mormons des catholiques ; aussi laissent-ils les Africains en possession de leurs églises, de leurs tavernes, de leurs wagons et de leurs bals. Une fois parqués dans ces domaines, les noirs ne sont plus dérangés ; mais, alors même que les traces du sang africain se sont affaiblies par le mélange des races, l’homme blanc ne veut pas se confondre et vivre d’égal à égal avec le mulâtre et la mulâtresse, avec le quarteron et la quarteronne. On n’a pas d’exemples de mariage entre un blanc et une créole ; la loi va jusqu’à prohiber