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d’un traité conclu entre ce gouvernement, la Bolivie et la junte constitutionnelle. Retenu d’abord prisonnier dans la petite ville de Chillian, Santa-Cruz n’obtint la liberté qu’à la condition de quitter pour toujours l’Amérique, où, du reste, il dut comprendre que son rôle politique était à jamais fini.

Depuis la bataille de San-Antonio, tout le midi du Pérou reconnaissait le général Castilla. Aréquipa, Lima et les départemens du nord appartenaient au contraire à Vivanco. Ce dernier y leva une seconde armée, se mit cette fois lui-même à sa tête, et partit pour Aréquipa, dont il fit son quartier-général et le pivot de ses opérations. Ses forces étaient supérieures à celles de son ennemi, mieux payées, mieux équipées surtout ; aussi tout le monde s’attendait à une bataille, et les chances, en effet, semblaient devoir être favorables à Vivanco. La fortune pourtant ne tarda pas à se déclarer contre lui. Le président du Pérou, très médiocre général du reste, était surtout extraordinairement indécis. Au lieu d’attaquer Castilla, il se borna pendant plusieurs mois à des marches et à des contre-marches sans but à travers les montagnes. Dans ces opérations inutiles, il perdit par la désertion et les maladies une grande partie de ses soldats, et finit par se voir acculer sous les murs mêmes d’Aréquipa avec des troupes fatiguées, démoralisées, en présence d’un adversaire actif, entreprenant, enhardi par de nombreux succès. Aussi le résultat de la lutte ne semblait-il plus guère être douteux, quand un nouveau pronunciamiento, fait à Lima contre Vivanco, vint le rendre plus certain encore.

Lorsque Vivanco avait quitté Lima pour prendre lui-même le commandement de son armée, il y avait laissé, avec le titre de préfet et les pouvoirs les plus étendus, un homme encore inconnu jusque-là dans l’histoire des révolutions de son pays, mais d’une haute capacité et d’une influence plus grande encore, don Domingo Elias, à qui seul il dut pendant long-temps tous les secours d’hommes et d’argent qui lui permettaient de soutenir la lutte. Effrayé sans doute de la position où allait le placer la chute imminente de Vivanco, de la ruine de son commerce et de son immense fortune territoriale qui allait en être la suite, Élias n’hésita pas à porter lui-même au directeur le dernier coup en le déclarant incapable de répondre plus long-temps aux besoins de la nation, et en se chargeant provisoirement à sa place du pouvoir exécutif (17 juin 1844).

Vivanco n’avait plus dès-lors qu’un parti à prendre livrer enfin bataille à Castilla et tenter de rétablir par une victoire ses affaires, tant de fois compromises par ses fautes et ses hésitations ; vainqueur, en effet il n’était pas douteux que Lima lui serait revenu. Aréquipa lui était dévoué ; son armée restait nombreuse encore malgré ses pertes :