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parfaite indifférence avec laquelle cette solennité a été accueillie. Le conseil général a délibéré sur un grand nombre de sujets sans que le public y prît garde. On a prolongé d’une semaine la session qui primitivement avait été fixée à un mois, le public a prolongé, son inattention, et, quand on s’est séparé comblé des bénédictions ministérielles, il ne s’en est pas inquiété davantage. Et pourtant, parmi les personnes qui siégeaient dans le conseil général, on comptait beaucoup de notabilités : les deux cent quarante membres qui le composaient sont des personnes toutes plus ou moins considérables, et l’importance des intérêts qu’ils avaient derrière eux est au-dessus de toute contestation. D’où a pu venir tant de froideur ?

Pour que des discussions offrent de l’attrait en ce moment, il faut qu’elles aient une relation directe et intime avec la question politique et sociale qui agite le pays, à laquelle tout se subordonne, de même qu’en pleine mer, sur un navire où une voie d’eau s’est déclarée, on n’a de sollicitude que pour le jeu des pompes, ou pour la manœuvre des charpentiers qui s’évertuent à découvrir et à boucher la fatale ouverture. Cet intérêt a manqué aux délibérations du conseil général. Est-ce la faute de l’institution même ? Non. L’industrie, — et par là j’entends l’ensemble des arts représentés dans le conseil général, l’agriculture, les manufactures, le commerce, — est appelée à coopérer puissamment à l’œuvre de la pacification sociale. C’est de ses mains que la société reçoit à chaque instant le fonds de richesses sur lequel elle subsiste : donc il lui appartient de concourir à guérir graduellement, autant qu’il est possible, la lèpre de la misère. C’est à titre de soldats dans l’armée industrielle que les ouvriers, tant des campagnes que des villes, sont en rapport quotidien avec les classes de la société qui dirigent les ateliers ou qui possèdent la terre : donc, pour rapprocher et pour confondre en un seul les deux camps entre lesquels la société française est divisée, il y a beaucoup à attendre de l’action des lois et des mœurs dans leurs rapports avec l’industrie.

Si ce n’est pas à l’institution même qu’il faut s’en prendre de l’insignifiance de cette session, est-ce aux membres dont le conseil général était composé ? Il serait injuste de le leur imputer. Ils n’avaient pas préparé eux-mêmes le programme de leurs délibérations ; ils l’ont reçu et s’y sont conformés. Dans ces temps où il est de mode de contester amèrement à l’autorité ses attributions les plus naturelles, les membres du conseil général ont eu à cœur de suivre fidèlement la ligne qui leur avait été tracée d’en haut. Cette discipline est de bon goût et de bon exemple.

Je le dis donc à regret : c’est l’administration qui s’est trompée en livrant au conseil général toute autre chose que des questions sur lesquelles ses débats pussent apprendre quelque chose de neuf aux pouvoirs