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place dans ce gouvernement révolutionnaire : M de Gagern refusa avec dégoût, et le projet succomba. En revanche, une autre proposition, également hostile à l’archiduc, fut votée par 126 voix contre 116 ; un des anciens chefs constitutionnels, M. Welcker, l’avait appuyée de son nom et de sa parole : l’assemblée décrétait la destitution de l’archiduc Jean, et appelait pour le remplacer un prince appartenant à l’une des maisons souveraines. Ce coup d’état acheva de désorganiser le parlement ; les centres refusèrent de s’associer à une politique révolutionnaire, et le surlendemain, 21 mai, plus de quatre-vingt-dix membres déclaraient que leur mission était finie. Ce n’étaient plus des démissions isolées, c’était un grand parti qui se retirait en masse. Tous les chefs des différents fractions du centre, les plus nobles esprits, les plus brillans orateurs, M. Henri de Gagern, M. Dahlmann, M. Simson, M. Beseler, M. Waitz, M. Maurice Arndt, M Droysen, M. Saucken, M. Mevissen, M. Sylvestre Jordan, M. Mathy, abandonnaient ensemble ce parlement qui avait été si long-temps le théâtre de leurs patriotiques chimères, et qui ne pouvait plus être désormais qu’un atelier de révolutions et de crimes.

Que dire des dernières séances ? comment s’intéresser à cette discussion livrée aux brutalités des factieux ? Quelques membres de la droite, quelques hommes éminens des centres, M. Welcker et M. Biedermann, M. Wurm et M. Riesser, essaient encore de modérer les emportemens des vainqueurs. Tâche inutile ! le 24 mai, on décide que cent membres peuvent délibérer ; le 26, on vote un appel au peuple, après lequel M. Welcker et ses amis se retirent. Les démagogues allemands comptaient beaucoup alors sur nos clubistes ; on s’attendait à une insurrection dans la capitale des émeutes ; les affaires de Rome en fournissaient le prétexte, et les mêmes tribuns qui écrivaient à Mazzini de résister jusqu’au triomphe de la république rouge entretenaient la gauche de Francfort dans ses projets de violence. Déjà M. Arnold Ruge et M. Charles Blind étaient à Paris et si le général Changarnier eût remporté sa victoire du 13 juin, tous nos socialistes d’Alsace allaient se jeter sur Francfort. M. Welcker eût bien voté l’appel au peuple à une condition toutefois : c’est que la constitution seule fût en jeu et que toute alliance avec les démocrates étrangers fût flétrie dans le décret. La gauche repoussa cet amendement ; c’est alors que M. Welcker se retira, emmenant avec lui tout ce qui restait de meilleur dans l’assemblée. Cependant la lutte de la gauche et de l’archiduc n’amenait, comme on pense, aucun changement dans la situation. L’assemblée destituait le vicaire de l’empire ; le vicaire de l’empire continuait d’occuper son poste L’assemblée votait des décrets, ordonnait des mesures, Imposait sa politique révolutionnaire au pouvoir central ; le pouvoir central ignorait les décrets de l’assemblée. Humiliée de cette lutte inutile,