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prince Guillaume de Prusse est à Francfort auprès du vicaire de l’empire, et le prince de Prusse à Carlsruhe auprès du grand-duc de Bade ; partout enfin les princes remplacent les orateurs et les théoriciens de l’église Saint-Paul ; partout ils ouvrent des conférences et s’apprêtent à recommencer, avec les précautions de la diplomatie, ce grand débat qui n’avait produit jusqu’à présent que des tournois philosophiques ou des prétextes révolutionnaires. L’archiduc Jean, accueilli à Francfort, en juillet 1848, avec un si ardent et si naïf enthousiasme, a retrouvé tout récemment les mêmes acclamations joyeuses, lorsqu’après une absence de plusieurs mois il est rentré dans la ville impériale. Quelle différence seulement dans les motifs et le sens de cette joie populaire ! Ce qu’on fêtait l’an dernier, c’était cette vague espérance de l’unité germanique, c’étaient ces destinées de la nouvelle Allemagne que chacun aimait à se figurer si brillantes ; ce qu’on fêtait à Francfort il y a un mois, c’était la présence d’un archiduc autrichien. Au lendemain de la révolution de février, Francfort saluait avec une emphatique naïveté les folles chimères qui mènent aux abîmes ; après une année d’efforts impuissans et d’agitations désastreuses, elle se résigne à célébrer modestement celui qu’elle croit l’adversaire de l’influence prussienne. Ce n’est pas encore assez de contrastes : le même homme qui représentait l’année dernière l’unité de la patrie commune représente à l’heure qu’il est la lutte du midi contre le nord, et l’idée d’un état fédératif opposée au système de l’empire unitaire Dans cette situation que les énénemens lui ont faite, le rôle de l’archiduc Jean deviendra-t-il plus sérieux ? Les princes de Prusse, d’Autriche, de Bavière, de Wurtemberg, réussiront-ils à s’entendre sur la constitution allemande, et cette périlleuse question est-elle décidément en bonne voie pour avoir passé de la tribune des rêveurs aux conseils secrets des diplomates ? Hélas ! depuis cette fatale guerre de Hongrie, l’influence russe pèse trop lourdement sur les cabinets de Vienne ou de Berlin pour qu’on puisse se fier au succès des légitimes réformes. En attendant l’issue de ces conférences, jetons un regard sur les derniers travaux du parlement de Francfort ; les fautes des législateurs de Saint-Paul ne sont pas étrangères à la déplorable situation de l’Allemagne depuis six mois, aux longues saturnales de l’anarchie, à l’inévitable retour du despotisme, à la ruine des espérances les mieux fondées : triste récit, nécessaire à l’intelligence des choses présentes et à la prévision de l’avenir !


I

La première lecture de la constitution avait été achevée au mois de janvier 1849 ; l’Allemagne devait avoir un empereur, et il était facile