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au vote ou à l’exécution de ces lois. » Au premier coup d’œil, rien n’était plus acceptable que cette proposition. Personne, assurément, dans l’assemblée des notables, n’hésitait à déchirer les iniques décrets de 1819, personne ne désirait retenir dans les conseils de la diète les ministres d’un absolutisme détesté. Par malheur, si la pensée était nette, la rédaction ne l’était pas. Il y avait un danger sérieux dans les termes du décret proposé. Exiger que la diète se reconstituât d’une manière complète avant de s’occuper de la convocation du parlement, c’était retarder de plusieurs semaines peut-être un travail d’une urgence manifeste ; c’était se servir d’une ruse hypocrite pour assurer à l’assemblée cette permanence qu’un vote solennel avait repoussée la veille. L’assemblée fut avertie de cette manœuvre par un très ferme et très spirituel discours de M. Bassermann. M. Bassermann n’eut pas de peine à démontrer que la proposition de la gauche était une manière détournée de déclarer la permanence. Il ne fallait pas cependant que la gauche pût accuser l’assemblée de favoriser les agens du despotisme et de souhaiter le maintien des lois d’exception : que fit l’ingénieux tacticien ? Il changea un seul mot dans le texte de la proposition. Au lieu de dire « Avant de travailler à la convocation de l’assemblée nationale, » M. Bassermann disait : « En travaillant à la convocation de l’assemblée nationale, etc… » Grace à cette correction habile, tous les intérêts étaient saufs ; l’assemblée condamnait les actes de l’ancienne diète, et elle n’entravait pas la tâche si importante dont la diète nouvelle était chargée. Il était impossible de déjouer plus spirituellement la conspiration de la gauche. La gauche, on le devine aisément, n’accepta pas la rectification de M. Bassermann ; ce qu’elle voulait, ce n’était pas seulement la condamnation de l’absolutisme et le rejet des lois d’exception : c’était surtout un prétexte de rupture. Ce prétexte, elle l’avait trouvé ; bien habile qui aurait pu lui enlever une occasion de scandale ! On vit donc se succéder à la tribune tous les agitateurs du duché de Bade ; M. Kapp, professeur à Heidelberg, se fit remarquer entre tous par l’intempérance grossière de sa mauvaise humeur. Pendant plus de deux heures, l’éloquence démagogique s’évertua sur un prétexte : pendant plus de deux heures, il fallut subir toute cette indignation à froid et toutes ces colères hypocrites. Enfin le vote est ouvert, et l’amendement de M. Bassermann est admis par une majorité considérable. Aussitôt le mélodrame préparé s’exécute tant bien que mal. M. Hecker et M. de Struve, M. Zitz et M. Vogt se retirent majestueusement, entourés de leurs fidèles. Par malheur, tous les mécontens ne gagnèrent pas le mont Aventin. Il en et qui trouvèrent cette conduite indigne de gens sérieux, et qui refusèrent nettement de s’associer à une telle puérilité. M. Raveaux (de Cologne) donna ce bon exemple ; il déclara, au milieu du tumulte, qu’il avait voté contre l’amendement de M. Bassermann, mais qu’il se soumettait à la majorité et ne quitterait pas son poste.