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bats n’ont point ajouté à sa considération, que les pugilats de ses montagnards achèveront de la ruiner. Sa majorité s’abandonne trop volontiers à des rancunes ou à des préventions qui lui font sacrifier les intérêts durables du pays au plaisir stérile de contrarier un gouvernement qu’elle ne soutient qu’en le chicanant. M. Faucher surtout a l’honneur de cette bizarre inimitié : il la mérite par son active énergie, qui ne se lasse ni ne se rebute au milieu de tant d’épines. Nous lui reprocherions de ne pas se faire plus gracieux, s’il n’avait rencontré dès l’abord une opposition décidée à lui être désagréable. La lutte ainsi ouverte, M. Faucher était homme à tenir la gageure. En attendant, ce qui souffre de ces mauvais vouloirs, c’est la chose publique. M. Faucher a prié d’anciens préfets de reprendre leurs fonctions après qu’ils avaient sollicité et obtenu leur retraite. Grande rumeur dans toute la gauche : les préfets réintégrés sont traités de faussaires. M. Faucher leur délivre dans le Moniteur un juste brevet d’honorabilité ; torrent de colères et d’injures sur la tête de M. Faucher, qui, par nature peut-être, aime assez à nager contre le courant. Les préfets ont été mandés par-devant la commission du budget, qui a fonctionné comme un petit saint-office et requis des médecins-jurés, sans autre délicatesse. On a dû reconnaître alors que ces anciens serviteurs de l’état avaient du mérite à le servir encore avec leur santé compromise, et la commission en a été pour sa courte honte. Mais tous les préfets retraités posséderont-ils réellement des infirmités si favorables ? Il serait très possible qu’on ne gagnât pas beaucoup à pousser la question plus loin. Les plus vifs accusateurs de M. Faucher ne sont pas bien sûrs de n’avoir pas eu jadis la même humanité que lui par rapport au même chapitre. Pour peu que la prudence revienne à temps, on s’abstiendra de jeter plus d’alarme dans l’administration.

Est-ce encore une belle victoire d’avoir supprimé le traitement du général Changarnier, pour lui retirer le double commandement qui a fait depuis trois mois la sécurité de Paris ? Une assemblée à la veille de sa dissolution a-t-elle pu raisonnablement priver le pouvoir exécutif, qui ne s’en va point avec elle, du fidèle appui de ce bras énergique ? On invoque plus ou moins à propos la loi de 1831 ; l’assemblée sera mise à même de voter la suspension temporaire d’une loi qui ne saurait régler notre état présent. Nous verrons si la majorité de l’autre jour était la bonne. Serait-ce enfin une œuvre patriotique de finir la discussion des budgets en mutilant ceux des finances et de la guerre ? On prête ce complot à toute une partie de l’assemblée. Si la pitoyable campagne de M. Lherbette contre certains pensionnaires du trésor devait être le signal de cette attaque, nous nous réjouirions du mauvais augure sous lequel les conjurés débutent. Nous nous réjouissons moins du scrutin qui vient de reformer le conseil d’état. Le mécanisme qu’il introduit dans ce grand établissement politique ne nous semblait guère propre à fortifier l’institution : nous souhaitons que l’institution ne pèche pas en outre par les personnes. Pour un homme de talent qui se rencontre dans le conseil parmi les nouveaux venus, il en est beaucoup dont la science et la sagesse administrative ne nous sont guère démontrées, et il y manque des membres anciens dont l’absence nous afflige, M. Baude notamment, qui méritait à coup sûr, dans la liste de la rue de Poitiers, la place que M. Lasnier s’y est faite. Sait-on et comment et pourquoi ?

Voilà donc comme vont les affaires chez nous, assez incertaines en somme,