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soif, comptez-vous tout cela pour rien ? Laissez, croyez-moi, ces insensés se précipiter sur cette terre comme si chaque caillou, chaque grain de sable dût cacher un morceau d’or. Avant quelques jours, la curée sera belle ici pour les vautours.

— Mais au moins, m’écriai-je, ce qu’on a dit des richesses cachées dans ces sables n’est pas un mensonge ?

— Écoutez, répondit le vaquaro ; je vous dois, ainsi qu’au chasseur et à votre ami, quelque reconnaissance. Pour vous prouver que je ne suis pas un ingrat, je vais vous révéler ce qu’un vrai gambusino ne saurait ignorer sans honte. Il y a mille manières de chercher de l’or, sans parler de celle qui est la mienne ; mais ce n’est pas de moi qu’il s’agit en ce moment. Ce que je vais vous dire, c’est ce que tout Californien connaissait à merveille bien avant l’arrivée de ces chercheurs d’or étrangers. Ma jeunesse s’est passée à chercher de l’or dans ce pays, et je puis parler de ce qu’il produit en connaissance de cause. Évitez les cours d’eau, car, depuis des siècles qu’ils coulent dans le même sens, ils ont déjà charrié tout l’or qu’ils ont pu arracher aux filons ; les grenailles qu’ils roulent ne valent pas les fièvres, les rhumatismes que leurs eaux engendreront. Suivez de préférence le lit desséché des torrens. Là, c’est autre chose. Les torrens n’ont pas de sources ; quoiqu’aboutissant presque toujours au lit qu’ils se sont une fois creusé, ils ont pris naissance à des endroits différens sur la crête des montagnes. Dans l’impétuosité de leurs cours capricieux, ils arrachent plus d’or en une saison aux filons saillans des rochers qu’un ruisseau pendant tout un siècle. L’inclinaison des terrains vous mettra sur la trace de la route qu’ils suivent d’ordinaire. Exploitez-en le lit, mais en le remontant, car les plus gros morceaux d’or ont dû moins s’éloigner du filon qui les a engendrés. Examinez soigneusement les pepitas que vous rencontrerez. À mesure que les arêtes de ces pepitas seront plus aiguës, ce sera signe qu’elles auront roulé moins long-temps, qu’elles seront plus près du rocher qui les a fournies. Puis, si vous arrivez à trouver les grains d’or adhérens encore à leur enveloppe de pierre, alors creusez, fouillez partout, brisez le roc que vous rencontrerez, détournez les cours d’eau qui vous feront obstacle, car vous serez près du filon générateur ; alors au moins vous pourrez braver le froid des rivières et les exhalaisons fiévreuses d’un sol bouleversé.

Ces raisonnemens me semblaient d’une justesse incontestable. — Pourquoi donc, dis-je au Mexicain, renoncez-vous à un métier dont vous possédez si bien les secrets ?

— Je vous ai dit qu’il y avait plusieurs manières de chercher l’or. En voilà assez sur ce sujet. Adieu, seigneur cavalier. Si vous m’en croyez, vous éviterez de vous hasarder ainsi loin du camp, seul et sans armes. Maintenant que je vous ai donné de bons conseils et de sages