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ils portent encore dans leurs traits, dans leur langue, dans leurs habitudes, la vivante empreinte de leur origine ; braves et intelligens, ils cachent sous la physionomie calme et réfléchie des peuples de l’Orient un cœur passionné, un esprit vif et enthousiaste. Les plus riches ont changé contre la pelisse des hussards la peau de mouton qui couvrait jadis leurs pères ; les autres l’ont gardée.

Après les Hongrois viennent les Slaves, habitans de ces contrées aux premiers temps où remonte l’histoire, race féconde et opiniâtre, fine, rusée, plus capable de suivre que de marcher seule et en tête, mais, à ce second rang, ne se laissant dépasser par personne ; — puis les Allemands, descendus avec les flots du Danube aux extrémités du pays, robustes et habiles cultivateurs, sages, économes, représentans de la civilisation occidentale, de nos habitudes, de nos coutumes, à cette frontière extrême de l’Europe. Vous retrouvez dans les charmans villages bâtis par les Saxons, dans le Banat et en Transylvanie, ces fraîches et riantes figures allemandes, ces cheveux blonds, ce teint coloré, que vous avez admirés sur les bords du Rhin, et cette même langue qui, depuis Strasbourg jusqu’à Orschova et Hermanstadt, établit un grand courant d’idées communes et fait pénétrer l’influence puissante de l’Occident plus loin encore que le Danube ne porte les produits de son industrie.

Les Valaques comptent aussi de nombreux représentans en Hongrie ; débris dégénérés des légions de Trajan, ils sont fiers de ce nom de Roumani qui atteste leur origine. Quand vous descendez le Danube, vous apercevez sous les flots, aux environs d’Orschova, les ruines d’un pont romain, et gravée sur une pierre des montagnes, au milieu desquelles le fleuve s’ouvre un étroit passage, une inscription latine où l’on lit encore les noms de Nerva et de Trajan. C’est là que la 13e légion avait établi son quartier. Si à ce moment quelque pâtre valaque, au nez aquilin, au profil de médaille, apparaît sur la pointe d’un rocher, vêtu de son sayon en poil de chèvre, coupé comme la tunique romaine, vous croyez voir un centurion aux portes du camp. Cette race, aujourd’hui servile et dégradée, peut bien descendre des soldats de César et