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son frère bâtard don Tello et de lui rendre ses biens ; Pierre IV accorda une amnistie aux deux infans ses frères consanguins, et promit de leur restituer, ainsi qu’à la reine doña Léonor leur mère, les domaines qu’il avait séquestrés. En même temps, chacun des deux rois se portait garant auprès de son allié pour la conduite de ceux dont il venait d’obtenir la grace. De part et d’autre, sauf quelques exceptions, l’amnistie s’étendait aux personnages subalternes, vassaux de don Tello ou des infans. Je dois faire remarquer à cette occasion une clause singulière du traité. Il fut stipulé que les adhérens des infans d’Aragon ne seraient point recherchés pour leurs actes d’hostilité contre Pierre IV, à moins qu’antérieurement à la convention d’Atienza, une sentence de trahison n’eût été rendue contre eux ; que, dans ce cas néanmoins, ils ne pourraient être poursuivis dans les villes faisant partie du domaine personnel des infans[1]. Un article tout semblable réglait le sort des partisans de don Tello. Ainsi, chaque roi, reconnaissant l’indépendance d’une seigneurie relevant de la sienne, permettait qu’il existât dans son royaume des places de sûreté contre ses propres décrets. Tel était le régime féodal et l’impuissance de la royauté. Toutefois, pendant que les deux ministres faisaient cette concession éclatante aux exigences de la noblesse, ils ne négligeaient pas de prendre quelques mesures pour restreindre ses privilèges à l’avenir. A la suite du traité de paix, l’on arrêta les bases d’une convention d’extradition, acte fort extraordinaire pour l’époque, d’après lequel les deux rois devaient se livrer mutuellement les coupables de trahison contre lesquels des sentences seraient prononcées postérieurement au traité d’Atienza[2]. Il est fort probable que cette convention, publiée solennellement par les deux rois ne fut jamais rigoureusement exécutée. Elle blessait trop ouvertement tous les préjugés de l’époque. On peut y voir cependant une première tentative pour diminuer cette indépendance dont les grands vassaux se montraient si jaloux. Alburquerque et Cabrera, ministres absolus, cherchaient à augmenter leur puissance en soutenant la cause de l’autorité royale. Ils crurent ne travailler que pour eux-mêmes. Leurs maîtres seuls profitèrent de leur politique.


III.

Rassuré sur les desseins de l’Aragonais, Alburquerque reprit avec le jeune roi le chemin de l’Andalousie. Entre le ministre et les riches-hommes factieux, la querelle allait se décider sous les murs d’Aguilar.

  1. Arch. gén. de Ar., parchemins nos 1736 et 1737. — Zurita, tome II, p. 218 et suiv.
  2. Arch. gen. de Ar. Legajo, de cartas reales, n° 89. — Ce traité d’extradition est cité sans date, dans un document qui porte celle du 2 juin de l’ère 1397 (1359).