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II.

Il y eut d’abord peu de changemens. A l’approche d’une guerre civile qui semblait inévitable, il eût été dangereux de mécontenter la noblesse, encore indécise, par un bouleversement général. La plupart des grands offices furent donc conservés à leurs titulaires, et l’on ne remplaça que ceux qui, par leur absence de Séville au moment des funérailles du roi, rendaient leur loyauté justement suspecte. Les faveurs furent assez également réparties entre les cliens des maisons d’Alburquerque et de Lara. On remarqua que l’ancien gouverneur de Medina-Sidonia, Alonso Coronel, obtint la seigneurie d’Aguilar avec le titre et les privilèges de riche-homme, récompense évidente de son empressement à résigner l’hommage qu’il devait à doña Léonor[1]. En lui conférant les insignes de sa dignité nouvelle, Alburquerque prouvait à tous qu’il était d’accord avec don Juan Nuñez pour abaisser la faction de la favorite déchue, et l’alliance politique des deux plus puissans seigneurs de la Castille faisait facilement prévoir la mauvaise issue de toutes les tentatives des mécontens. L’infant d’Aragon ne fut pas oublié dans le partage des hauts emplois. Il reçut le commandement de la frontière d’Andalousie, charge importante qui mettait sous ses ordres un corps de troupes considérable. Sous le règne de don Alphonse, elle appartenait nominalement à don Fadrique. Revêtu de ses dépouilles, l’infant se déclara ouvertement contre la faction des bâtards.

Tandis que de toutes parts la noblesse courait aux armes, le peuple, se rappelant les malheurs de la guerre civile qui avait déchiré le royaume pendant la minorité de don Alphonse, voyait avec indignation les tentatives contre le maintien d’une paix naguère si chèrement achetée ; aussi les fils de Léonor trouvèrent-ils peu de sympathie dans les villes. Froidement accueilli par les habitans d’Algéziras, don Henri chercha vainement à leur rendre suspectes les intentions du nouveau

  1. Ayala, p. 67.