Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

engagée à la mettre à exécution. C’est une erreur ; elle en a la faculté, mais il reste encore à savoir si elle en usera. Les termes même de l’arrêté fédéral n’engagent point la majorité d’une manière irrévocable. Que dit cet arrêté ? Que l’alliance séparée des sept cantons étant incompatible avec les dispositions du pacte fédéral, cette alliance est déclarée dissoute, et que la diète se réserve, si les circonstances l’exigent, de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter son arrêté.

La question actuelle de paix et de guerre sera donc résolue par les circonstances. Or, nous croyons que les circonstances sont encore de nature à faire réfléchir les cantons radicaux, qui sont impatiens de renouveler sur les cantons catholiques l’invasion des corps francs. Les souvenirs de cette malencontreuse expédition sont restés, après tout, fort peu populaires en Suisse. Il est vrai que, dans le cas présent, l’invasion des cantons de la ligue aurait un autre caractère, et serait, au moins en apparence, revêtue d’une sanction légale ; mais quand il s’agira de marcher sur des concitoyens, sur des confédérés qui ne sont que sur la défensive, les contingens fédéraux y regarderont à deux fois. Ce qui prouverait au besoin que la guerre n’est pas en Suisse aussi populaire qu’on veut bien le dire, c’est que, dans les cantons radicaux, les gouvernemens n’ont pas osé faire appel au peuple. Ainsi, dans les cantons catholiques menacés par l’arrêté de la diète, dans Uri, Schwytz, Unterwald, Lucerne, Fribourg, Zug, le Valais, la Landsgemeinde a tenu ses assises, le peuple a été consulté, et il a répondu à la demande de ses gouvernans par une approbation complète et unanime. À Zurich, à Berne, à Schaffouse et dans le canton de Vaud, c’est en vain que les partisans de la paix ont aussi réclamé un appel au peuple ; les gouvernemens ont reculé devant cette épreuve.

Que la supériorité apparente des forces soit du côté des radicaux et du parti de la guerre, c’est ce qu’il serait difficile de nier. Ainsi le contingent fédéral des douze et deux demi-cantons qui ont voté la dissolution de la ligue est de cinquante mille hommes, tandis que celui des sept cantons du Sonderbund n’est que de onze mille. Néanmoins il y a quelque chose qui compenserait jusqu’à un certain point cette inégalité de forces : c’est que d’un côté on n’est pas unanime pour attaquer, et que de l’autre on est unanime pour se défendre. Ainsi, dans les états catholiques et les états mixtes, il sera difficile d’armer les catholiques contre leurs coreligionnaires, et, si on n’envoie en expédition que les protestans, alors les catholiques, restés seuls gardiens du foyer et maîtres de la place, pourraient profiter du moment pour changer le gouvernement à l’intérieur. Genève même, malgré sa dernière révolution, et bien que dominée par le radicalisme, a aussi les mains liées, car les radicaux y ont besoin de la démocratie catholique pour faire contrepoids à l’aristocratie protestante.

C’est donc sur trois cantons, c’est-à-dire sur Berne, Zurich et Vaud, que retomberaient principalement les charges de la guerre ; ce seraient eux qui auraient à faire exécuter l’arrêté de la diète. L’oseront-ils et le pourront-ils ? Ils auraient affaire à des populations combattant pro avis et focis, ils s’engageraient dans une lutte où les femmes et les enfans prendraient les armes. Et la guerre elle-même serait-elle une solution ? Non. Ce n’est pas le Sonderbund que la victoire des radicaux détruirait, c’est la confédération elle-même ; car, en admettant pour un moment que le Valais, que Fribourg, que Lucerne, fussent