Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/763

Cette page a été validée par deux contributeurs.

forcément inutiles dans la plupart des cas, par des résumés ou des citations instructives, c’est, il est vrai, demander un second ouvrage, et ce travail, tout de compilateur et de copiste, ne saurait convenir à l’esprit si éminemment inventif et original de M. de Humboldt : mais ce complément, selon nous nécessaire pour donner à Cosmos toute sa valeur réelle, pourrait se faire facilement sous les yeux, sous la direction de l’auteur, et serait accueilli par l’homme du monde, aussi bien que par le savant, avec une véritable reconnaissance.

Traduire Cosmos n’était rien moins que facile. Presque toutes les sciences ont été mises à contribution dans cet ouvrage, et chacune d’elles, on le sait, a sa langue particulière aussi bien en allemand qu’en français. Pour ne pas commettre d’erreurs, il fallait donc les parler toutes, et peu d’hommes possèdent le savoir que suppose la connaissance d’un aussi grand nombre d’expressions techniques. M. Faye, jeune astronome attaché à l’Observatoire de Paris, a néanmoins accepté courageusement la tâche que lui imposait la confiance de M. de Humboldt. Aidé par M. Arago, qui a revu et corrigé les épreuves, il a traduit l’ouvrage entier, à l’exception des quelques pages consacrées à la question des races humaines, dont s’est chargé M. Guigniaut, membre de l’Institut et professeur au Collége de France. On voit que le Cosmos français offre toutes les garanties désirables de cette exactitude que nécessitent les ouvrages scientifiques. Ajoutons que sous le rapport du style il satisfait également à ce qu’on pouvait exiger. Sans doute on ne lira pas Cosmos comme un roman ; mais, si quelques personnes sont forcées de revenir sur certains passages, elles se rappelleront qu’il s’agit d’un livre dont les compatriotes de l’auteur disent qu’il est trop allemand pour être lisible en français.

Pourtant M. Faye nous permettra de lui adresser quelques observations. Tout en conservant à l’ouvrage qu’il veut faire passer dans une autre langue sa forme et son caractère primitifs, le traducteur doit autant que possible l’approprier au génie du peuple pour lequel il traduit. Or, les lecteurs français n’aiment guère à suivre un auteur qui ne laisse à leur intelligence ni trêve ni repos. Cosmos, écrit d’un bout à l’autre sans divisions aucunes, présente quelque peu cet inconvénient ; de plus, un même alinéa réunit parfois des idées très différentes, et de là résulte la nécessité d’une tension d’esprit continuelle et fatigante, surtout pour les personnes peu familières avec les faits ou les idées scientifiques. Ces défauts, qui n’existent peut-être pas pour les lecteurs allemands, moins désireux que nous de précision et de netteté, disparaîtraient facilement, ce nous semble, par l’introduction de quelques têtes de chapitre, par quelques coupes ménagées dans le texte, par quelques résumés indiquant, pour ainsi dire, le chemin déjà parcouru. M. de Humboldt laisserait certainement à cet égard toute liberté