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des voies de transport, ont conservé jusqu’ici une situation privilégiée, perdront infailliblement cette situation le jour où le réseau de voies de communications nouvelles les atteindra. Cette révolution industrielle n’est pas une idée chimérique ; elle est dans l’ordre naturel des faits. On pourrait la prédire à jour fixe. Il est à regretter que la commission, dans son rapport, n’ait pas examiné ce point de vue de la question. Il ne suffit pas de dire que l’on repousse le monopole, il faut prouver que le monopole existe, qu’il est oppresseur, et que l’intérêt public ordonne de l’arrêter. Du reste, si la compagnie de la Loire inspire des inquiétudes fondées, le gouvernement est suffisamment armé contre elle. Personne, sur ce point, n’a réfuté l’argumentation si précise et si claire de M. le ministre des travaux publics, dans la discussion soulevée dernièrement par les interpellations de M. Lasnyer. M. le ministre des travaux publics a parfaitement démontré que la loi de 1810 permettait la réunion de plusieurs concessions houillères dans une seule main sans l’autorisation de l’état ; mais, pour empêcher l’abus d’une concentration excessive, la loi ordonne, sous peine de déchéance, que chacune des concessions ainsi réunies soit exploitée de manière à répondre aux besoins de la consommation. Elle ne veut pas que le concessionnaire d’une mine puisse ralentir la production pour élever les prix ; elle lui commande d’exploiter sans interruption. Or, quiconque est forcé de produire est forcé de vendre, et quiconque est forcé de vendre ne peut exercer de monopole. Quelle arme plus puissante voudrait-on remettre aux mains du gouvernement ? sans compter que toute réunion houillère non autorisée, étant réputée coalition, tombe nécessairement sous le coup de l’article 419 du Code pénal, si elle exagère les prix de vente, ou si elle abaisse les salaires des ouvriers.

Le projet de la commission ne paraît pas, jusqu’ici, avoir été bien accueilli par la chambre. Il présente un caractère de violence peu conforme aux habitudes de légalité de notre temps. L’honorable M. Delessert n’avait pas voulu abroger la loi de 1810, il voulait respecter le passé ; la commission, sans respect pour le principe de non-rétroactivité, déclare illégales toutes les associations existantes. Elle remet en question l’avenir de notre industrie houillère à une époque où la prospérité de cette industrie est devenue plus que jamais une nécessité publique. Elle ouvre contre le principe d’association une croisade où la suivront bien des préjugés et des passions qu’elle n’a pas voulu, sans doute, exciter. On crie contre les influences financières, qui ne sont, après tout, que le produit de la paix et de la liberté ; au lieu de déclamer contre elles, ne ferait-on pas mieux de chercher à utiliser leur concours dans l’intérêt de ces classes ouvrières que l’on égare en leur parlant d’une aristocratie nouvelle ? L’association des mines de la Loire fournissait une occasion naturelle d’examiner cette question, et beaucoup d’autres tout aussi graves, dont nous n’avons pas vu la moindre trace dans le rapport de la commission. L’honorable rapporteur, il faut le dire, n’était pas à la hauteur des questions qu’il avait mission d’éclairer.

La lutte engagée en Angleterre, depuis trois mois, entre le parti de la liberté commerciale et le parti protectionniste, est enfin terminée aux communes, et paraît devoir l’être assez promptement à la chambre des lords. Pendant près de six semaines, le bill de coercition pour l’Irlande a arrêté la marche de sir Robert Peel : ce n’est que la semaine dernière que la troisième lecture du bill a eu lieu à la chambre basse.