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par une seule maison et de la prépondérance chaque jour croissante de la ligue. Le coup de foudre de Coutras vint frapper celle-ci de stupeur, et donner à Henri III la plus dangereuse des tentations pour un prince faible, celle d’échapper par la ruse au parti dont il subit le joug.

On comprend que ce joug pesât au descendant de soixante rois, et qu’un reste de fierté fit bouillonner son sang lorsque dans les rues de Paris, où l’outrage se dressait pour lui sous les formes les plus sanglantes, Henri voyait applaudir avec transport le duc de Guise ; mais en essayant une tardive résistance contre une domination qu’il avait acceptée, Henri III ne vit pas qu’entre les gentilshommes huguenots et la bourgeoisie ligueuse il n’y avait pas encore place pour une puissance intermédiaire, et qu’il fallait désormais, ou supplanter les princes lorrains dans la confiance publique, ou se jeter hardiment dans l’armée du Béarnais, pour marcher enseignes déployées contre Paris et contre la ligue. Hors de ces deux résolutions, il n’y avait à recueillir que honte et déception. La lutte était trop vive, et les intérêts n’étaient pas encore assez alarmés pour qu’un tiers-parti pût alors rester maître du champ de bataille.

Le roi avait sans doute réussi à détacher de la ligue quelques parlementaires : il était parvenu à tempérer la fougue de l’Hôtel-de-Ville et à s’assurer, en cas d’attaque contre sa personne, le concours du plus grand nombre des colonels de la garde bourgeoise, choisis pour la plupart parmi les dignitaires des cours de justice ; mais l’influence des chefs de la milice était dominée par celle des cinquanteniers et des dizainiers, tous sortis des corps de métiers et imbus de l’esprit des confréries. A l’autorité du conseil de Grève, groupé autour du prévôt des marchands, les seize quarteniers opposaient des réunions spontanément formées par les citoyens les plus zélés, les prédicateurs les pus ardens, les hommes les plus enclins aux résolutions décisives. La ligue avait aussi sa plaine et sa montagne ; elle eut ses déchiremens intérieurs aussi bien que ses rivalités sanglantes, et, comme toutes les révolutions populaires, ce grand mouvement municipal échappa promptement à ses premiers incitateurs.

Les débris de la dernière armée royaliste s’étaient dispersés après la défaite de Coutras. Le duc de Guise était maître des troupes qui venaient de repousser au-delà des frontières les reîtres envoyés par l’Allemagne protestante au secours de ses frères de France. Au milieu des colères publiques dont le flot montait d’heure en heure, Henri de Valois ne pouvait compter que sur le dévouement de quelques