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la souveraineté. Aussi, quand la nation entière, par ses représentans ou par les chefs des communes et des familles, se trouve réunie à son roi, dans la skoupchtina (états-généraux), le rôle du soviet cesse à l’instant, le congrès national prend sa place, et absorbe en lui les sénateurs. De même, la gérousie grecque ne devrait être auprès du trône que l’organe permanent de la nation, et devrait se fondre dans le congrès chaque fois qu’il se trouverait réuni. En vertu du principe de l’unité du pouvoir, le peuple et le prince de Serbie concourent ensemble aux nominations des membres du sénat, le peuple par la présentation des candidats, le prince par le droit de faire un choix. En Hongrie, la chambre des magnats, quoique séparée par suite du principe aristocratique d’avec la chambre basse, est cependant tout aussi nationale que sa rivale, et les membres n’en sont pas, du moins en grande partie, nommés par le roi. De cette manière, l’unité est maintenue dans la diète comme dans la nation ; mais à Athènes, du moment que la diplomatie anglo-française est parvenue à créer deux chambres distinctes, l’une et l’autre ont dû agir séparément : le peuple choisit l’une, et les places de l’autre restent exclusivement et sans contrôle à la nomination du roi.

Non contente d’avoir ainsi désuni le gouvernement et le pays, la royauté et le peuple grec, l’Angleterre, par la note officielle de lord Aberdeen, était allée jusqu’à demander l’institution d’un sénat héréditaire. Cette fois le congrès d’Athènes protesta avec indignation contre les exigences britanniques, qui tendaient à changer la terre classique de la liberté et de la fraternité en un pays de privilèges et, d’aristocratie à l’anglaise. Tous les citoyens s’associèrent par un veto commun au vote des députés, en déclarant fièrement que la nation leur avait donné à tous l’eugeneia (noblesse). Les diplomates d’Occident sentirent bientôt eux-mêmes le ridicule et le danger qu’il y aurait à montrer à un peuple oriental des enfans imberbes siégeant par droit de naissance à la gérousie, au même rang que les vieillards à cheveux blancs, éprouvés par de longs services. Obligée de céder sur ce point, l’Angleterre insista pour que du moins les sénateurs fussent nommés à vie, contrairement au vœu national, qui fixait à dix ans la durée de leurs fonctions. En adhérant, sous ce rapport, au vœu anglais, la diplomatie française détermina le congrès à céder, et à décréter que les membres de la gérousie seraient nommés à vie. Cette résolution était si contraire au désir de la Grèce, que la plupart des journaux, en l’annonçant, parurent encadrés de noir. Malgré l’amendement qui établissait que les sénateurs ne seraient choisis que parmi les hauts