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La vie, l’histoire, les vertus des anciens, tout devenait allusion entre ses mains ; pour lui, l’antiquité, c’était le présent, et toutes les tyrannies du passé se reproduisaient dans la tyrannie de Napoléon.

La réputation de Foscolo grandissait et s’imposait aux ministres du royaume d’Italie ; le poète ne les confondait pas avec la cour, et on le vit paraître en 1809 dans une chaire de l’université de Pavie. Entouré par la jeunesse du royaume dans une salle qui retentissait encore des apologies officielles de Monti, Foscolo proclame tout haut que l’Italie est sous le joug de trente tyrans. Son génie familier lui dit qu’il mourra injustement ; cependant il parlera, et il parle de cette patrie italienne promise par la poésie de Dante, et de cette nouvelle littérature de l’empire qui pervertit le génie de la nation. Foscolo ne voit dans cette littérature de cour qu’une musique de paroles d’où la pensée est absente, un instrument dont Napoléon s’empare pour étouffer le génie italien ; il signale par mille allusions, dans ses écrits et dans sa chaire, les académiciens, les professeurs courtisans, les poètes couronnés, comme autant de bourreaux de la jeunesse italienne. « Tant que nous verrons (ce sont ses paroles) les écrivains jouer le rôle de prêtres de muses mystérieuses dans un temple aux portes fermées, et accuser d’ignorance ceux qui ne veulent pas s’en approcher, quand même tous garderaient le silence et passeraient indifférens, seul je crierai à tous et pour tous Ne vous laissez pas entraîner dans ce temple ; vous vous croyez initiés, vous entendez la mélodie du chant mystérieux, vous êtes déjà couronnés, mais il y a là l’autel, le sacrificateur et le couteau, et la victime manque encore. »

Au bout de deux mois, la chaire de Pavie était supprimée ; Foscolo se vengeait en faisant représenter l’Ajax sur le théâtre de Milan Ajax, Agamemnon et Calchas, c’étaient Moreau, Napoléon et Pie VII ; la tragédie fut défendue. Le poète répondit dans un journal par un article sur la politique de Grégoire VII : dans les idées de Foscolo, Rome venait d’être sacrifiée comme Venise, et les Italiens n’avaient plus parmi eux, comme au temps de Grégoire VII, un prince électif presque toujours italien et chef de la religion européenne. Foscolo fut exilé à Florence. Là il écrivait sa tragédie de la Ricciarda : c’était un appel au patriotisme, la censure le comprit, et la tragédie ne dut point paraître sur la scène.

Ainsi Foscolo marchait contre Napoléon, à côté plutôt que dans les rangs des alliés, toujours comme un citoyen grec, solitaire et indompté il était naturellement entraîné au rôle de conspirateur. A la nouvelle de la déroute de Leipzig, il rompt son ban, se joint à l’armée nationale