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vêque n’hésite point à déclarer[1] que la raison humaine est capable par sa propre vertu, sans aucun secours extraordinaire, sans autre appui qu’elle-même et son union naturelle et permanente avec l’éternelle raison, de découvrir et de démontrer toutes les vérités essentielles sur lesquelles repose la vie morale et religieuse du genre humain. Une ame libre et spirituelle, faite à l’image de Dieu, capable de concevoir l’ordre et d’y conformer volontairement sa destinée, une vie future où l’ame recevra le prix de ses œuvres des mains d’un Dieu parfait, législateur du monde moral, providence invisible et toute-puissante qui conduit et conserve tous les êtres, mais qui aime d’un amour plus profond et soutient d’une action plus pénétrante la créature faible et sublime qui réfléchit ses attributs les plus excellens ; Dieu terrible et bon, infaillible et juste, source et fin de tout amour, de toute perfection, de tout progrès, voilà les grandes vérités que la raison humaine trouve dans son propre fonds et qu’elle est capable d’enseigner aux hommes. On aperçoit d’un coup d’œil la portée de cette déclaration. Elle sépare complètement M. l’archevêque de Paris de toute cette école ultramontaine qui se rallie aux noms de Joseph de Maistre et de Bonald, et soutient depuis quarante années l’absolue impuissance de la philosophie et de la raison.

Qu’on ne vienne donc plus nous dire au nom de l’orthodoxie chrétienne que toute libre philosophie aboutit nécessairement au scepticisme ; qu’enfermée dans les bornes étroites d’un monde fini, la raison humaine est incapable de s’élever jusqu’à cet être des êtres dont l’infinité la surpasse ; qu’emportée au flot du temps, et traînant partout avec soi les conditions d’une individualité misérable, elle ne saurait ni poser, ni maintenir l’immuable et universelle loi du devoir. Ce ne sont là que déclamations vaines dont il faut laisser au scepticisme la responsabilité et les périls. Qu’on ne dise pas surtout que le développement indépendant de la raison favorise le panthéisme, puisqu’il n’y a rien de plus naturel pour la raison que de concevoir la providence de Dieu et la responsabilité des êtres libres. Panthéisme, fatalisme, scepticisme, aberrations passagères de quelques philosophes contre lesquels proteste la raison qui redresse tous les faux systèmes et ramène sans cesse les intelligences égarées à ses inviolables lois. Cette raison, gardienne vigilante de toutes les grandes vérités morales et religieuses, M. l’archevêque de Paris, sur les traces de saint Paul, la proclame aussi pure, aussi sainte, aussi infaillible que la révélation elle-même :

  1. Introduction philosophique, pages 15, 17 et suivantes de la seconde édition.