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toutes nos provinces, l’Alsace est l’une des dernières qui soient entrées dans l’unité française ; sur aucun point du territoire, peut-être, le travail de centralisation n’a été plus rapide, et l’on peut dire que la fusion du génie français et du génie allemand s’y est opérée avec un bonheur inattendu. M. Hallez-Claparède a étudié avec amour l’histoire de la province dont il est un des enfans ; c’est une noble intention qui a conduit sa plume. « Nous avons à cœur, dit-il, de montrer la part de forces et de richesses que l’Alsace a apportée à la France, la part de force et de grandeur qu’elle a reçue d’elle. » Cette tâche ainsi comprise, M. Hallez-Claparède a montré qu’il pouvait l’accomplir. L’ouvrage qu’il publie ne doit cependant être considéré que comme la première partie d’un travail qui, nous l’espérons, sera terminé. M. Hallez a raconté l’histoire de l’Alsace avant la réunion à la France ; il reste à montrer comment cette réunion s’est accomplie, consolidée ; comment l’influence des idées françaises est venue, au XVIIIe siècle, compléter l’œuvre de la diplomatie du grand roi. Cette dernière partie de l’histoire n’est pas la moins curieuse ; il appartient à M. Hallez de l’écrire, et de donner ainsi une étude complète sur l’une de nos plus intéressantes provinces. En attendant, son livre mérite le succès légitime qui a déjà, sur plusieurs points de la France, accueilli, dans les essais d’histoire locale, de savantes recherches et de précieux documens pour l’histoire de l’unité française.

— Depuis les Fiancés, l’Italie a vu paraître beaucoup de romans historiques, le genre a pris faveur. Des essais heureux témoignent de l’aptitude qu’ont les Italiens pour transformer en narrations animées les pages sévères de l’histoire, et ce mouvement remarquable mérite d’attirer notre attention. Parmi les ouvrages traduits récemment de l’italien, et dont la critique doit s’occuper, il faut placer le nouveau roman de M. d’Azeglio, les Derniers Jours d’un Peuple. Le peuple dont M. d’Azeglio évoque ici le souvenir, c’est le peuple de Florence ; on sait qu’au XVIe siècle la république florentine succomba sous les efforts combinés de Charles-Quint et de Clément VII. Ce grand évènement a heureusement inspiré M. d’Azeglio. On reconnaît dans son livre un talent formé à l’école de Manzoni. Uni par des rapports intimes à l’auteur des Fiancés, M. d’Azeglio se rattache encore à l’illustre écrivain par une sorte de parenté intellectuelle. L’influence de Manzoni a marqué de son cachet les œuvres qu’il a produites. Seulement, chez M. d’Azeglio, on remarque une tendance prononcée à développer le fond historique où vient s’encadrer la fiction. Il transporte volontiers le drame sur le grand théâtre des évènemens ; il suit le pape et l’empereur sur les champs de bataille où s’agitent les destinées de l’Italie. Ses romans ne sont point une imitation servile ; nés, pour ainsi dire, dans l’école et sous le regard de Manzoni, ils conservent cependant leurs qualités propres, leur vive et réelle originalité. Le nouvel ouvrage de M. d’Azeglio, bien supérieur au premier roman de l’auteur, Ettore Fieramosca, sera lu avec attention par tous ceux qui s’intéressent aux lettres italiennes. L’élégante et fidèle traduction de ce livre est due à M. Étienne Croix. On doit encourager parmi nous les efforts qui ont pour but de répandre et de populariser la littérature actuelle de l’Italie.



V. de Mars.