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L’ÎLE DE TINE.

îles grecques, au contraire, régies par un préfet ayant le titre de gouverneur sont administrées comme nos départemens ; la propriété y est reconnue. Malheureusement la pauvreté du trésor, l’administration défectueuse des finances, les dépenses mal entendues du gouvernement, ont amené jusqu’à présent une augmentation successive dans les impôts, dont le poids est tel aujourd’hui et la répartition si mal faite, que l’on voit, chose pénible à dire, les habitans de quelques-unes de ces îles, moins bons patriotes que ceux de Candie, regretter la domination des Turcs !

Si sauvages et si arides qu’ils paraissent d’abord au voyageur, les rochers des Cyclades n’en forment pas moins un horizon à souhait pour le plaisir des yeux. Nus, dépourvus de tous les dons de la nature, n’ayant pour ainsi dire pas même de couleur, ils se parent merveilleusement de toute la richesse du climat, de toute la beauté de l’atmosphère, et revêtent les teintes splendides que le ciel leur envoie. Ce sont des prismes admirables établis sur la mer pour refléter le soleil et reproduire, plus belles encore, les nuances, changeantes à chaque heure, de l’horizon oriental. Le matin avant le lever du soleil, au milieu de cette mer unie et blanche comme un lac de mercure, les îles se colorent d’un bleu tendre, délicieusement fondu, impossible à définir, qui n’est pas l’indigo et qui n’est pas l’azur, mais qui souvent m’a rappelé cette couleur d’un instant, qui, aux heures de rosée, s’attache comme une poudre légère aux prunes sauvages de nos haies et disparaît plus tard à la chaleur. Le soleil levé, la mer s’enflamme, les rochers se dorent et scintillent comme des topazes. Le soir ils subissent dans toute sa splendeur l’incendie du couchant, et plus tard rendent dans toute leur transparente pâleur les teintes roses qui lui succèdent. La nuit enfin, au clair des étoiles, on croirait voir d’immenses coupoles bleues, gouachées, par la lune qui se lève, d’un large reflet blanchâtre et entourées d’une ceinture d’argent par la mer qui se brise.

En quittant la maison de l’ermite, nous suivîmes un chemin qui n’était pas un chemin, mais une échelle de pierres. Heureusement nos mulets se sentaient chez eux, ils connaissaient depuis long-temps ces périlleux échelons, qu’ils descendirent avec une agilité de chamois. Notre guide nous apprit que nous allions chez l’évêque. Arrivés au hameau habité par son éminence, nous mîmes pied à terre devant l’église métropolitaine, qui n’est en vérité qu’une grande chapelle. Une rue étroite et fangeuse nous conduisit à un petit escalier de