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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

qui passent devant l’île. La tenue sévère d’un bâtiment de guerre leur prouva qu’elles en seraient cette fois pour leurs avances, et ce désappointement fit naître parmi elles un embarras qui n’était ni sans pudeur ni sans grace. Pour les mettre plus à l’aise, on leur demanda une danse, et elles exécutèrent avec leurs compagnons une sorte de menuet qui était fort léger de dessin et de caractère. Après ce divertissant spectacle, la frégate, qui avait un instant suspendu sa marche pour opérer quelques relèvemens, déploya de nouveau sa voilure, et il fallut donner congé aux visiteurs. Le mouvement de retraite se fit le plus simplement du monde ; tous, hommes et femmes, se jetèrent à la mer, et regagnèrent leurs pirogues à la nage.

Ces insulaires venaient de partir, et la frégate faisait route à l’ouest avec une très grande vitesse, lorsque des cris s’élevèrent du sein de la mer. On regarda : c’étaient deux hommes qui semblaient se soutenir avec peine sur l’eau au moyen des débris d’une barque brisée, et qui se dirigeaient vers le navire. On envoya un canot pour les recueillir ; mais quelle fut la surprise de nos marins lorsque, arrivés à une moindre distance, ils reconnurent que ces sauvages se promenaient à cheval sur un rouleau de joncs de la forme d’une gerbe de blé, et apportaient à bord de la frégate des bananes, des patates et des ignames, enfermés dans des roseaux ! Une fois sur le pont du bâtiment, ils se livrèrent au même manége que ceux qui venaient de le quitter, et insistèrent pour que l’équipage vînt les visiter dans leur île, où l’attendaient toutes sortes de provisions et des femmes charmantes, dont ces proxénètes proposaient les faveurs à l’aide d’une pantomime qui ne laissait pas de prise à l’équivoque. On eut beaucoup de peine à se débarrasser de ces nouveaux hôtes ; ils se riaient des menaces, et ne se décidèrent à partir que lorsqu’on eut jeté leurs paquets de joncs à la mer. Alors ils prirent le même chemin que leurs nacelles, et, après les avoir de nouveau enfourchées, ils se dirigèrent vers leur île.

La Vénus allait ainsi d’une terre à l’autre, cherchant partout des observations à faire, des renseignemens à recueillir. Une belle étude sur les Galapagos, groupe assez peu connu, se rattache à cette époque du voyage ; mais il faut se hâter de franchir cette série de travaux pour arriver aux îles Marquises et aux îles de la Société, qui désormais intéressent la France d’une manière directe. Ce fut au mois d’août 1838 que le capitaine du Petit-Thouars se présenta devant l’île Magdalena, la plus méridionale des Marquises. Il eut avec les