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LE TERRITOIRE DE L’OREGON.

Saint-Louis, qui s’était formée, en 1808, sous le nom de compagnie de fourrures du Missouri. Elle était dirigée par un Espagnol fort entreprenant, Manuel Lisa, qui établit plusieurs comptoirs, non-seulement auprès des sources du Missouri, mais au-delà des Montagnes Rocheuses sur les bords de la rivière Lewis, que les attaques des Indiens et la difficulté de s’assurer des moyens de subsistance forcèrent d’abandonner en 1810.

Malheureusement de telles entreprises n’étaient pas en état de lutter contre la compagnie du nord-ouest qui, par des relations déjà anciennes avec les Indiens, s’était emparée de tout le commerce des pelleteries et des fourrures des grands lacs jusqu’aux Montagnes Rocheuses. C’était vainement que les Américains essayaient de lutter avec elle, car la compagnie de Saint-Louis pouvait à peine soutenir la concurrence sur les rives même du Missouri et dans le territoire des États-Unis. Alors se présenta un homme capable, non pas tant par sa fortune, qui était énorme, que par son génie, plein de ressources, de lutter avec la compagnie du nord-ouest, et qui résolut de conquérir au profit de ses compatriotes une industrie qui enrichissait les Anglais et les Canadiens.

Jean-Jacob Astor était né dans un petit village des environs de Heidelberg sur les bords du Rhin. Un concours de circonstances singulières l’amena, jeune encore, à Londres, à la fin de la guerre d’Amérique. Un de ses frères aînés s’était établi depuis plusieurs années dans les États-Unis. Astor profita de la paix, et s’embarqua, vers la fin de l’année 1783, pour le rejoindre à Baltimore, avec une petite pacotille de marchandises. En mettant le pied sur le continent américain, le hasard fit rencontrer à Astor un de ses compatriotes engagé dans le commerce des fourrures et des pelleteries, qui lui apprit l’importance et la pratique de ce commerce. L’imagination aventureuse d’Astor s’enflamma, et, au lieu d’aller rejoindre son frère, il suivit cette nouvelle connaissance à New-York, où il échangea contre des fourrures les marchandises qu’il avait apportées d’Angleterre. Il repartit aussitôt pour Londres, vendit avec un grand bénéfice ses fourrures, et retourna dans la même année aux États-Unis déterminé à s’y établir et à s’appliquer à ce trafic. Ses opérations, minimes d’abord, s’agrandirent bientôt à force de travail, d’économie et de probité, et en peu d’années il s’était assuré une position très avantageuse.

À son arrivée aux États-Unis, cette branche de commerce existait à peine. C’était du Canada que l’on tirait la plus grande partie des