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propose ; mais dans l’alternative à laquelle la France est aujourd’hui acculée, après cinq années de vains débats, de renoncer aux chemins de fer de quelque étendue, ou de mettre enfin la main à l’œuvre sur un plan relativement assez mal conçu, il n’est plus possible d’hésiter. Ce serait prendre une trop grande responsabilité que de conseiller au pays de s’abstenir.

En présence de l’immense intérêt qui commande à la France de rapprocher sans délai son centre de ses extrémités, et de rendre Paris présent pour ainsi dire sur notre frontière du nord, nous tenons pour très secondaire la question de savoir si la compagnie qui entreprend la ligne de Belgique fera des bénéfices, ou si elle ne retirera de cette entreprise que l’intérêt naturel du capital qu’elle y aura consacré[1]. Il ne faut pas trop marchander avec des hommes qui apportent 75 millions pour un travail utile dans lequel les chances de perte sont, après tout, à côté des chances de profit. Souhaitons plutôt que les banquiers qui se dévouaient exclusivement jusque-là à l’industrie profitable des emprunts deviennent ainsi les agens principaux et comme les tuteurs des entreprises nouvelles de transport. Ce sera une révolution et une révolution morale dans les tendances du crédit.

Cependant il peut être utile de prémunir ceux qui n’examinent pas le fond des choses contre les calculs exagérés auxquels le chemin du Nord a donné lieu et qui ont déjà cours dans le public. Cette considération nous détermine à exposer sommairement les résultats que l’expérience a constatés jusqu’à présent dans l’exploitation des chemins de fer. De la sorte, les capitalistes qui s’engageront dans une opération aussi étendue le feront sous l’impulsion d’un sentiment réfléchi, et non pas sur la seule garantie des noms qui commandent la confiance en matière de crédit. On attendra les produits avant de donner aux actions une valeur supérieure à leur taux nominal. Une action de 500 fr. ne sera pas cotée 1,000 ou 2,000 fr. dès son apparition sur le marché, comme il est arrivé pour les bitumes et les asphaltes de toute couleur.

Un mémoire publié au mois d’octobre 1842 par le célèbre ingénieur qui a construit les chemins de fer de Manchester à Liverpool

  1. Il paraît que tous les capitalistes ne considèrent pas comme suffisans les avantages accordés par l’état à la compagnie qui s’est formée pour entreprendre la ligne du Nord, car la compagnie d’Orléans a demandé, pour se charger de la ligne de Paris à Châlons-sur-Saône, outre ces avantages, la garantie d’un minimum d’intérêt de 4 pour 100 sur le capital qu’elle emploierait.