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LES DEUX RIVES DE LA PLATA.

réfugiés argentins, tout concourt en ce moment à paralyser le commerce de Montevideo.

Nous allons passer à la seconde partie de ces souvenirs, à ceux qui se rapportent plus spécialement à la rive droite de la Plata ; mais comme, en parlant de Montevideo, nous ne nous sommes pas interdit quelques excursions à Buenos-Ayres, ainsi, en parlant de Buenos-Ayres, trouverons-nous sans doute plus d’une fois l’occasion d’un retour rapide sur Montevideo. Nous ne nous refuserons pas aux comparaisons qui sortiront naturellement du sujet et qui nous paraîtront de nature à faire mieux ressortir les traits généraux des deux pays. Ils se ressemblent d’ailleurs par tant de côtés, que ce qui est vrai de l’un l’est bien souvent de l’autre. Il faudrait une longue résidence dans la Bande Orientale et dans la République Argentine, avec un grand talent d’observation, pour saisir toutes les différences qui existent sans doute entre leurs habitans, puisqu’ils se détestent d’une rive à l’autre. L’étranger qui ne voit en passant que le gros des physionomies n’aperçoit souvent qu’un seul et même caractère de race là où tendent à se prononcer deux nationalités distinctes. C’est ainsi que dans un pays dont on ne sait la langue que pour l’avoir apprise ailleurs, on ne distingue pas les accens et les dialectes provinciaux. Montevideo et Buenos-Ayres forment aujourd’hui deux fleuves qui ont une source commune et qui ont eu long-temps le même lit. Séparés depuis quelques années seulement et très rapprochés encore, on peut souvent les confondre, parce que leurs eaux ont encore à peu près la même couleur et parce que les arbres de leurs rives ont même port et même feuillage.

La distance qui sépare Montevideo de Buenos-Ayres est de quarante à cinquante lieues ; mais il faut que les bâtimens ne tirent au plus que sept pieds d’eau pour n’avoir pas à tenir compte des bancs que l’on rencontre dans la rivière et qui en rendent la navigation difficile et quelquefois dangereuse. Néanmoins, la rivière est aujourd’hui parfaitement connue, beaucoup mieux que du temps des Espagnols, et notre marine militaire en particulier l’a pratiquée avec un grand succès, pendant et depuis le blocus, jusqu’à une certaine hauteur dans l’Uruguay et dans le Parana. Les Anglais y exécutent aussi de fréquentes reconnaissances, et il existe maintenant chez eux, mais encore plus chez nous, d’excellens matériaux pour une hydrographie complète de la Plata et d’une partie de ses affluens. Selon les vents et les courans, un bâtiment peut mettre six ou sept jours à descendre ou remonter entre Montevideo et Buenos-Ayres,