Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/289

Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
LE SALON.

qu’il faut renvoyer M. Blanchard, qui, dans ses deux grandes Vues des environs de Lyon et de Luzarches, s’est encore trop souvenu de ses études d’atelier. Ce sont là, du reste, deux talens qui ont de l’étoffe et de l’avenir.

Le jury n’ayant pas voulu nous laisser voir le grand paysage historique de M. Corot (la Destruction de Sodome), il faut lui savoir gré d’avoir accepté ses Jeunes filles au bain. Ces jeunes filles, au nombre de trois, ne sont pas précisément belles ; elles n’ont que cette grace naïve de sentiment et de mouvement qui est un des secrets du talent de l’artiste, et dont le charme attractif fait oublier les négligences du dessin et la maladresse de l’exécution. Dans les paysages de M. Corot, les arbres sont comme les figures ; ils ont le même port, la même tournure, le même abandon, la même innocence. C’est probablement à l’influence de son exemple que nous devons la composition de M. Teytaut (Diane surprise par Actéon) ; on y retrouve des inpirations de sa manière, dont M. Teytaut semblerait vouloir être le Michel-Ange laissant à son maître la gloire d’en être le Raphaël. Ce grand paysage a le tort de trop ressembler, au premier aspect, à un morceau de décoration de toile peinte ; on ne peut cependant y méconnaître beaucoup de force d’invention et une véritable originalité. Les grandes montagnes du fond sont d’un jet hardi et d’une grande tournure, et l’on peut en dire autant des arbres qui les encadrent des deux côtés. Il y a dans tout cela trop de fantaisie, pas assez de science mais certainement de la force et de l’imagination. Quant aux figures, elles sont de celles que les paysagistes doivent donner par-dessus le marché à l’acheteur, à l’exemple de leur patriarche Claude Lorrain, qui cependant les faisait un peu meilleures.

M. Koekkoek ne peint pas à Paris, comme son nom l’indique de reste ; il a envoyé de Clèves un grand paysage auquel on a donné, par courtoisie nationale, une des places d’honneur au salon carré. Ce morceau est très admiré et il doit l’être, car c’est véritablement un prodige de travail. Il est difficile d’aller plus loin comme imitation matérielle de la nature ; c’est un trompe-l’œil. Cette habileté, toute rare qu’elle soit, n’est pas cependant tout-à-fait de l’art ; elle inspire plus de curiosité que d’intérêt. Il y a une extrême vérité matérielle, mais elle n’est que dans le détail ; l’effet d’ensemble est nul, ou même faux ; aussi est-on étonné que ce portrait si bien fait d’une forêt ne vous renvoie aucune de ces impression que le spectacle des grands bois fait toujours sur l’ame.

Malgré le mérite technique de cette production d’outre-Rhin,