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commence à vouloir exploiter, et qui promet une augmentation de revenus assez considérables, puisqu’avec un kilogramme de scafalati de 12 f., en tabac du Levant ou du Maryland, on peut faire 750 cigarettes, lesquelles, vendues à 5 cent. la pièce, donnent un produit de 37 fr. 50 cent., et, par conséquent, un bénéfice de plus du double de la valeur fictive de la matière première. La régie n’est arrêtée que par la recherche du moyen d’empêcher la contrebande. Je ne sais pourquoi elle s’est imaginé qu’il fallait pour cela fabriquer du papier en tabac au moyen des côtes de tabac, qu’on incinère aujourd’hui. Il est probable qu’on ne parviendra pas à donner à ce papier la flexibilité nécessaire indispensable pour confectionner les cigarettes. Est-ce qu’un timbre sec ne suffirait pas pour empêcher toute fraude et garantir les droits du trésor ? Dans tous les cas, on ne pourra pas empêcher les fumeurs de fabriquer eux mêmes leurs cigarettes et de garder le bénéfice qu’ils procureraient à la régie en achetant celles qu’elle vendra si cher.

C’est dans nos manufactures qu’on fabrique avec des feuilles de choix le tabac à mâcher, soit ordinaire à 8 fr., soit étranger en feuilles de Virginie seulement à 11 fr. ; cette consommation est aussi très accessoire.

VI. vente des tabacs.

La vente des tabacs est actuellement confiée à 29,000 débitants spéciaux, soumis à un cautionnement fixé en raison de la population, et s’élevant du minimum de 50 fr. dans les petites localités, au maximum de 1,500 fr. à Paris. Il leur est fait une remise totale de 15 millions, de telle sorte que chaque débitant fait un bénéfice moyen de 480 fr. La garantie certaine de la bonne foi mise dans la vente des tabacs fabriqués par l’état repose tout entière sur le mode qui consiste à en charger des agents commissionnés et révocables. Il faut en effet que les débitants vendent tous au même prix une marchandise qui ait partout la même qualité ; il faut qu’on puisse s’assurer que le tabac, substance qui se détériore au simple contact de l’air, soit toujours dans un bon état de conservation, reste pur de tout ingrédient étranger, comme argile ou chicorée, matières que la fraude y mêle souvent, et ne soit pas humecté ; il faut aussi empêcher que les débitants puissent vendre du tabac de contrebande C’est en vain que l’on chercherait à obtenir la réalisation de ces conditions préservatrices des droits des consommateurs et des droits du trésor, si l’on accordait le droit de vendre du tabac à quiconque présenterait certaines conditions de solvabilité et de bonne foi et paierait une licence, car la fraude présenterait trop d’avantages pour qu’on ne fût pas encouragé à lutter contre une pénalité peu rigoureuse, quand on considère surtout qu’on ne saurait plus aujourd’hui employer ces barbares moyens de répression d’autrefois, qui ne parvenaient cependant pas à arrêter la contrebande. C’est à peine si l’on pourrait soumettre les débitants libres aux visites des agents du