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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

sans le goût âcre qu’il prend dans les outres où on le renferme. Des troncs d’arbres creusés par les indigènes offrent un asile à d’innombrables essaims d’abeilles qui produisent dans ces ruches de forme primitive un miel excellent. Les montagnards se nourrissent surtout de végétaux, de lait, de farine de maïs et d’orge, et de pommes de terre, dont la culture, maintenant générale, fut une des innovations du dernier vladika. Le pays n’a aucune voie de communication qui mérite le nom de route. Vainement Napoléon, maître de la Dalmatie, fit proposer aux Tsernogortses, par le maréchal Marmont, de leur construire à ses frais un grand chemin de Kataro à Nikchitja : ils refusèrent constamment, et non sans de bonnes raisons, les offres impériales.

Le Tsernogore proprement dit se divise en quatre nahias ou départemens, nommés Tsernitsa ou Tsermnitsa, Liechanska, Rietchka, et Katounska-Nahia. Ce dernier département, qui s’étend du mont Lovtchen, près Kataro, jusqu’à Nikchitja, forme à lui seul presque la moitié du Tsernogore. Autrefois inhabitée, la Katounska-Nahia a tiré son nom du mot albanais katoun (tente de pasteur dressée pour l’été). Maintenant elle renferme neuf plèmes ou tribus, réparties sur autant de districts. Les Allemands appellent ces districts des comtés, et désignent également par le nom de comtes les knézes ou chefs, le plus souvent héréditaires, qui président les conseils des tribus. Les neuf plèmes de la Katounska-Nahia sont les Niégouchi, les Tsetini, les Bielitses, les Tjeklitj, les Komani, les Plechiotses, les Tsousi, les Ozrinitj et les Zagartchanes. Comme ces tribus habitent les plus pauvres et les plus arides districts du Tsernogore, elles sont très portées au pillage, et les plus terribles brigands de la Turquie sortent encore aujourd’hui de leur territoire. C’est dans ce département qu’on trouve la forteresse de Tsetinié, qui domine une vaste plaine et sert de forum à ce peuple de pasteurs et de soldats ; pendant que les diètes nationales ont lieu sur la prairie, le sénat siége sur la montagne auprès du saint vladika. À peu de distance de Tsetinié est Niégouchi (Gnegost), seul village de tout ce pays qui ait l’apparence d’une cité européenne, et où résident les plus illustres familles de la république, celle des Petrovitj, frères, oncles et cousins du vladika, celles des Bogdanovitj, des Iakchitj, des Prorokovitj, dont le chef actuel, le féroce Lazo, neveu d’un pope du même nom fusillé en 1809 par les Français, se fait redouter au loin par les Turcs. Niégouchi est le Moscou de cette Russie en miniature : l’humble demeure des pères de la dynastie y est conservée avec respect, comme la maisons des