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mirable latitude aux amateurs qui forment des galeries. À chaque coin de rue, on se heurte à l’angle d’un cadre : c’est un Murillo de trente francs, qu’un Anglais vient toujours d’acheter trente mille francs. — Regardez, seigneur cavalier, quel dessin ! quel coloris ! C’est la perla, la perlita. — Que de perles l’on m’a montrées qui ne valaient pas l’enchâssement et la bordure ! Que d’originaux qui n’étaient seulement pas des copies ! — Cela n’empêche pas Murillo d’être un des plus admirables peintres de l’Espagne et du monde. Mais nous voici loin des bords du Guadalquivir, revenons-y.

Un pont de bateaux réunit les deux rives et relie les faubourgs à la ville. C’est par là qu’on passe pour aller visiter, près de Santi-Ponce, les restes d’Italica, patrie du poète Silius Italicus, des empereurs Trajan, Adrien et Théodose ; on y voit un cirque en ruine et cependant d’une forme encore assez distincte. Les caveaux où l’on renfermait les bêtes féroces, les loges des gladiateurs, sont parfaitement reconnaissables, ainsi que les corridors et les gradins. Tout cela est bâti en ciment avec des cailloux noyés dans la pâte. Les revêtemens de pierre ont probablement été arrachés pour servir à des constructions plus modernes, car Italica a long-temps été la carrière de Séville. Quelques chambres ont été déblayées et servent d’asile, pendant les heures brûlantes, à des troupeaux de cochons bleus qui se sauvent en grognant entre les jambes des visiteurs et sont aujourd’hui la seule population de l’ancienne cité romaine. Le vestige le plus entier et le plus intéressant qui reste de toute cette splendeur disparue est une mosaïque de grande dimension, que l’on a entourée de murs et qui représente des Muses et des Néréïdes. Lorsqu’on la ravive avec de l’eau, ses couleurs sont encore fort vives, bien que par cupidité l’on en ait arraché les pierres les plus précieuses. L’on a trouvé aussi, dans les décombres, quelques fragmens de statues d’un assez bon style, et nul doute que des fouilles habilement dirigées n’amenassent des découvertes importantes. Italica est à une lieue et demie environ de Séville, et, avec une calessine, c’est une excursion que l’on peut faire à son aise en une après-dînée, à moins que l’on ne soit un antiquaire forcené et que l’on ne veuille regarder une à une toutes les vieilles pierres soupçonnées d’inscriptions.

La puerta de Triana a aussi des prétentions romaines et tire son nom de l’empereur Trajan. L’aspect en est fort monumental ; elle est d’ordre dorique, à colonnes accouplées, ornée des armes royales et surmontée de pyramides. Elle a son alcade particulier et sert de