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côtes de l’Épire. On ne peut plus compter sur les brillans résultats que procuraient à notre marine les chênes de ces vallées. La France doit donc momentanément se détourner de l’Épire asservie vers la Mirdita, toujours libre. Notre commerce n’y rencontrera qu’une seule concurrence sérieuse, celle de l’Autriche, qui n’est pas en état de soutenir long-temps une lutte commerciale contre la France. La plupart des navires qui apportent actuellement à Marseille, sous le pavillon de Trieste et pour le compte des compagnies triestines, les produits albanais chargés par eux à Durazzo, à Avlone, et aux embouchures de la Boïana sont des navires slaves : pourquoi la chambre de commerce de Marseille ne s’entend-elle pas directement avec leurs capitaines, et ne prend-elle pas à son service quelques-uns de ces compatriotes des héros monténégrins ? Nul doute que notre industrie ne pût s’ouvrir dans ce pays d’importans débouchés, surtout si les deux lacs de Skadar et d’Ocrida, qui forment comme les deux pôles de la Mirdita, et qui sont les deux plus grandes nappes d’eau intérieure de la Turquie d’Europe, étaient mis en communication avec la mer. Déjà les vaisseaux caboteurs de cent cinquante tonneaux remontent la Boïana jusqu’à Oboti, deux lieues au-dessous de Skadar. Des bateaux à vapeur en fer, ou d’un très faible tirant d’eau, comme ceux de la Haute-Loire, remonteraient de là facilement jusque dans le lac même, où ils trafiqueraient sans intermédiaire avec les tribus indépendantes du Zeta, de Klementi, du Monténégro. Les deux Drins, le blanc et le noir, seraient également accessibles à de légers pyroscaphes, qui, s’ils arrivaient une fois dans le beau et profond lac d’Ocrida, jetteraient sur ses rives des germes de civilisation destinés à le faire devenir plus vite ce qu’il est appelé à être tôt ou tard, le lac de Genève de l’Europe orientale.

La Mirdita ne fut pas toujours aussi inconnue en France qu’elle l’est aujourd’hui. Le grand roi l’affectionnait et y envoyait de nombreux missionnaires. Ce ne fut qu’en 1717 que les continuelles révoltes des Djègues chassèrent de Durazzo le dernier consul français. Il légua en se retirant, à un agent de l’Espagne, le soin des missions catholiques, charge dont l’Autriche hérita, et dont elle est largement récompensée de nos jours par l’influence qu’elle exerce sur les Mirdites. Mais l’Autriche n’use de son crédit sur ces tribus que pour leur souffler la haine contre leurs voisins Grecs et Slaves, et pour amener leur ruine, dont elle saurait profiter. Cette ruine paraît inévitable, nous le répétons, si les Mirdites ne changent pas complètement leur politique tant intérieure qu’extérieure. Leurs vertus