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LES MONARCHIENS DE LA CONSTITUANTE.

énergie de caractère par la fermeté de sa conduite, il fit preuve aussi d’une grande force d’esprit par la précision qu’il mit dans la rédaction, au milieu du tumulte immense de l’assemblée et de l’effervescence des esprits. L’assemblée nationale déclarait qu’elle était appelée à fixer la constitution du royaume, à opérer la régénération de l’ordre public, à maintenir les vrais principes de la monarchie ; tout un système était contenu dans ces mots choisis à dessein. Mounier ne prétendait pas à un bouleversement complet de la société ; il voulait fonder la jeune liberté sur les bases antiques de la monarchie, et il le voulait fermement, résolument, en homme de cœur. L’esprit des états de Vizille vivait encore tout entier en lui.

La cour répondit au serment du jeu de paume par la séance royale du 23 juin. Le roi ordonnait aux ordres de se séparer sur-le-champ, et de se rendre le lendemain dans leurs salles respectives, pour y délibérer séparément. Ce fut à la suite de cette séance que Mirabeau fit sa fameuse réponse à M. de Brézé, grand-maître des cérémonies, et que Sieyès prononça cette phrase non moins significative : Vous êtes aujourd’hui ce que vous étiez hier. Mounier et ses amis virent avec une douleur profonde la rupture du roi et des communes, mais ils demeurèrent fidèles à la cause de la liberté. Moins ardens que Sieyès et Mirabeau, mais non moins décidés, ils prirent part à la délibération qui suivit la sortie du roi et qui maintint le droit de l’assemblée en présence du droit de la couronne.

Ces démonstrations hardies de la part du tiers avaient pour but de forcer les ordres privilégiés à se réunir à lui. Il y réussit. Deux amis de Mounier, Lally-Tollendal et Clermont-Tonnerre, proposèrent la réunion à la chambre de la noblesse, et se mirent à la tête de la minorité qui l’effectua. Aussitôt après la fusion des ordres, un comité fut nommé pour préparer le travail de la constitution. C’était là ce que voulait Mounier avant tout. Au milieu des passions qui fermentaient autour de lui et qui commençaient à l’inquiéter, sa seule pensée était de doter au plus tôt la France d’une constitution libre, et de clore la révolution dès son début. Le 9 juillet, il présenta, au nom du comité, un premier rapport ; on y remarque le passage suivant qui révèle ses préoccupations dans ce moment décisif : « Ceux qui connaissent le prix du temps et qui veulent se prémunir contre les évènemens choisissent toujours, parmi les actions qu’ils se proposent, ce qui est indispensable, avant de passer à ce qui est utile ou ce qui peut être différé. Certainement les maux de nos concitoyens exigent de nouvelles lois, mais il est bien moins important de faire les lois que d’en assurer