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ingénieurs sont cependant fort loin de s’accorder ; enfin, et c’est là le plus délicat, le plus pénible de la tâche de l’écrivain qui veut faire connaître l’état présent de ce grand travail, il lui est impossible d’être vrai, d’apprendre quelque chose au public, s’il craint de froisser l’amour-propre, très irritable, hélas ! de quelques hommes qui ont joué dans l’affaire du puits de Grenelle des rôles plus ou moins malheureux.

Si on s’étonnait de l’importance, de la valeur scientifique que j’attribue au puits de Grenelle, je rappellerais tout d’abord que c’est du monde savant qu’est partie l’impulsion la plus vive, la plus efficace, qui ait concouru à l’adoption de ce forage dans les conseils du gouvernement et de la ville. On manquait d’expériences convenablement faites sur la chaleur intérieure de la terre, sur cet accroissement de température qui, suivant un grand nombre de physiciens, va jusqu’au point de la fusion des métaux dans les régions centrales du globe. Pouvait-on rien souhaiter de plus propice à une telle investigation, qu’un sondage exécuté à Paris même, sous les yeux de l’Institut, qu’un sondage si favorable aux observations thermométriques faites simultanément à différentes profondeurs ?

Il fallait toute l’importance de cette question de philosophie naturelle pour décider les membres les plus instruits du conseil municipal et les ingénieurs de la ville de Paris à pousser tous ensemble à l’adoption du projet de forage dans l’abattoir de Grenelle. En effet, aucun d’eux ne pouvait dire à quelle profondeur il faudrait descendre dans la terre pour obtenir des eaux jaillissantes, et ils savaient que, passé une certaine limite, le puits deviendrait plus cher qu’une machine hydraulique bien entendue, établie sur la Seine, et donnant la même quantité d’eau que le puits. Enfin ils ne devaient pas ignorer qu’on pouvait craindre l’un ou l’autre de ces deux résultats également fâcheux, ou la non ascension des eaux du puits, ou la venue d’eaux troubles impropres aux usages ordinaires des villes.

C’est donc une pensée scientifique qui a présidé à cette entreprise. Sans aucun doute, les besoins du service public des eaux, le zèle de quelques conseillers municipaux pour les intérêts de la cité, sont venus en aide à la science : nous dirons même, si on le veut, que cette dernière influence a joué ostensiblement le premier rôle ; mais, dans la réalité, ce rôle n’était que secondaire. Aussi, tant que s’est fait attendre l’éruption des eaux, éruption, comme on le verra, qui n’était rien moins qu’assurée, et qui n’eût peut-être pas eu lieu si on avait opéré sur un tout autre point de Paris ; tant qu’ont marché les