Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
REVUE DES DEUX MONDES.

Mais si la France industrielle perd quelque chose au système de centralisation, nous sommes convaincus que c’est dans ce système que se trouve la force, la grandeur, la stabilité de la France politique. Avec notre position continentale, si l’on commençait à faire brèche dans notre grand système unitaire, on compromettrait l’avenir du pays.

On dit que la centralisation tue chez nous l’esprit d’association. On se trompe. L’esprit d’association se développe de plus en plus, et il ne lui manque pas d’objets auxquels il peut s’appliquer. La centralisation n’absorbe pas toutes les entreprises et tous les travaux. Elle n’est jalouse que de ceux qui paraissent exiger l’intervention du gouvernement. Le commerce, l’industrie, l’agriculture, ouvrent à l’association un champ très vaste où l’action gouvernementale ne peut jouer aucun rôle.

Quoi qu’il en soit, il est certain que toutes les fois que des compagnies particulières se mêleront, chez nous, d’entreprises qui par leur nature paraissent appartenir à l’état, il n’y aura jamais ni paix ni trêve entre ces compagnies et les bureaux. Les bureaux regardent les membres de ces compagnies comme des intrus et des usurpateurs, et les traitent en conséquence. Les compagnies, en revanche, sont pleines de défiance à l’égard des administrateurs, et les blessent par l’exagération des garanties et des avantages qu’elles exigent. C’est un mauvais ménage, et nul ne peut en changer les conditions. Dans le principe, il n’y a que méfiance et jalousie, une guerre sourde ; puis arrivent les tiraillemens et les luttes, jusqu’à ce qu’enfin le plus fort perd patience et fait la loi. Heureux encore les particuliers qui reçoivent cette loi de nos jours, lorsque l’intervention des chambres et la puissance de l’opinion publique, éclairée par la discussion, rendent impossible toute injustice criante.

M. le ministre de l’instruction publique a présenté à la chambre des députés un projet de loi auquel on ne peut assez applaudir. Il demande des fonds pour la réimpression des grands ouvrages de M. de Laplace. On comprend que l’élévation scientifique de ces livres immortels, monument impérissable élevé par le génie à la gloire nationale, les rende accessibles à trop peu de lecteurs pour que l’industrie privée soit intéressée à les publier. Mais en fût-il autrement, nous voudrions toujours qu’on dît : la Mécanique céleste, l’Exposition du Système du Monde, seront réimprimées aux frais de la nation.


Les Essais de Philosophie, de M. Charles de Rémusat, dont nos lecteurs ont déjà pu prendre une idée si favorable par l’excellent chapitre qui a été communiqué à la Revue, viennent de paraître[1]. Nous consacrerons

  1. vol. in-8o, chez Ladrange, quai des Augustins.