Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/1020

Cette page a été validée par deux contributeurs.
1014
REVUE DES DEUX MONDES.

Le Derajat est sous la souveraineté du royaume de Lahore depuis un quart de siècle. Quand Burnes y passa, le pays était sous l’autorité du général Ventura, dont la sage administration avait relevé une prospérité qui commençait à décroître. Dera-Ghazi est, de plus que Chikarpore, ville manufacturière, mais le cède encore, sous ce rapport, à Moultan et Bawhulpore, qui sont dans son voisinage. Les principaux articles de manufacture sont des draps soyeux qui s’exportent à Lahore et dans le Sindy, et du drap blanc qui est très recherché dans le Koraçan, et y soutient la concurrence contre le drap anglais. Les soieries s’exportent principalement vers l’est ; la matière première est tirée de Bokhara. Il se fabrique aussi à Dera-Ghazi de la coutellerie commune qui s’exporte. La ville a un bazar d’environ 1,600 boutiques, dont 530 vendent du drap. La population est de 25,000 ames.

La campagne de Dera-Ghazi est magnifique ; il y a, dit-on, autour de la ville 80,000 dattiers. Le coton est d’une qualité supérieure, les grains sont excellens, mais l’indigo surtout fait la richesse du pays. Les villages autour de la ville sont extrêmement nombreux et presque tous habités par des mahométans. À Dera-Ghazi, les deux croyances sont dans une proportion à peu près égale : il y a 125 temples hindous et 110 mosquées mahométanes.

En remontant l’Indus et passant par Leïa, on arrive à Dera-Ismaël-Khan, la seconde ville du Derajat. Il y a quinze ans, Dera-Ismaël fut submergé par l’Indus ; les habitans recommencèrent une ville à trois milles du fleuve, mais elle est encore inachevée. Cependant elle est très animée au moment du passage des caravanes ; elle a un bazar qui contient 518 boutiques, et fait un très grand commerce de drap blanc avec le Pundjab (environ 1,800,000 aunes). Les manufactures du Derajat sont encore prospères ; toutefois l’inondation des produits anglais leur a déjà été funeste, et il est probable qu’elles finiront par disparaître et s’absorber dans ce gouffre sans fond.

Les Afghans Louhanis sont, comme nous l’avons dit, les colporteurs de l’Asie centrale. C’est un peuple pasteur, très brave et très entreprenant. Les marchands afghans, répandus dans les places commerciales, ont des courriers dont l’activité et la célérité défient celles de la poste anglaise, et on peut se souvenir que la nouvelle du massacre de Caboul, à laquelle on refusait d’abord de croire à Londres, parce que le gouvernement n’en avait point la confirmation officielle, avait été apportée à Bombay à des marchands afghans par leurs courriers. Rien n’est plus pittoresque que le tableau des mœurs nomades