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fluence de l’idée chrétienne toute nue, la terreur et la rudesse ont remplacé la force et la grace, la foi a détrôné l’amour.

Nous ne pouvons trop le répéter, pour bien comprendre le caractère de cette renaissance byzantine que tentent les artistes de l’Allemagne moderne, que prêchent ses écrivains, et pour en reconnaître toute la vanité, il faudrait étudier la décadence de l’art antique. Nous verrions que ces monumens que nous ont laissés les Grecs du bas-empire, et que l’on s’avise si singulièrement de nous présenter comme autant de chefs-d’œuvre, ne sont que le résultat d’une suite d’altérations successives des grands et beaux modèles que l’antiquité avait légués aux âges suivans ; altérations dues à l’ignorance ou à la maladresse d’artistes sans talent et aux influences d’une nouvelle doctrine religieuse dont les adeptes avaient besoin d’images qui les frappassent fortement. Il serait facile de suivre, siècle par siècle, les progrès de cette décadence, à partir de la première renaissance grecque sous Adrien, jusqu’au jour où les croisés, maîtres de Constantinople, battirent monnaie avec les statues d’Hercule et d’Hélène, et avec la Junon de Samos, ce chef-d’œuvre de Lysippe. On verrait cette décadence, déjà sensible sous les successeurs d’Adrien, se continuer sous Constantin et sous Honorius, et, lors de l’abolition des sacrifices, la destruction des idoles et l’application des temples au nouveau culte, obéir à une violente et rapide impulsion. Ces images et ces statues, nécessairement symboliques, devaient être nombreuses, et, du moment qu’elles affectaient un certain caractère typique, le vulgaire les regardait comme accomplies ; de là l’extrême négligence des artistes chargés de les exécuter. Lors des grandes dissensions des iconoclastes et des iconolâtres, l’art byzantin, soumis à certaines règles hiératiques, avait, quant aux représentations de la Divinité, des anges et des saints personnages, une singulière analogie avec l’art égyptien. La peinture religieuse n’était plus qu’une sorte de langage hiéroglyphique à l’usage des initiés, qui s’adressait plutôt à l’esprit qu’aux sens des fidèles devenus plus nombreux. C’est alors que le crucifix, emblème des suprêmes douleurs de l’ame et du corps, remplaça les rians symboles du paganisme, qui s’appuyait sur la volupté. Le Christ, la Vierge, les anges, les apôtres et les saints eurent chacun un caractère spécial, ou plutôt un moule propre dont ils ne purent s’échapper. Ce caractère ne s’altère sensiblement que lors de la conquête de Constantinople par les Latins. Mais ce moule ne fut complètement