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mes questions relatives aux dangers qu’offrait le blocus de la côte par les vaisseaux russes, ils me dirent qu’avec un vent favorable ils pouvaient arriver à terre avant toute poursuite ; quand le vent était contraire, ils se trouvaient souvent forcé d’aller mouiller dans un des petits ports de Turquie, pour attendre qu’un changement survînt. Par un calme plat, ces bâtimens, du port de quarante à cinquante tonneaux, s’avancent à force de rames jusqu’au rivage Tous les hommes du bord, étant armés, peuvent résister aux attaques des chaloupes envoyées contre eux. Une fois à terre, les Circassiens remorquent le bâtiment le long d’une des nombreuses rivières qui se jettent dans la mer Noire, et le mettent à l’abri d’une descente que les Russes tentent quelquefois lorsqu’ils ont des forces supérieures.

Le général Golavine me parut pénétré des avantages que le gouvernement pourrait retirer d’un pays aussi riche et aussi fertile que la Géorgie ; il se plaignait de n’avoir pas de capitaux disponibles qui lui permissent de mettre en culture toutes les plaines qui bordent le Kour, et qui donneraient des produits avantageux, si un système d’irrigation bien entendu amenait l’eau sur des terrains aujourd’hui arides. Le général en chef se trouvait forcé de convenir que toutes les améliorations étaient encore à l’état de projet, et rejetait sur les guerres de la Perse et de la Turquie l’abandon dans lequel sont restées ces provinces depuis l’occupation russe.

Ce n’est jamais le bon vouloir qui manque aux gouverneurs du Caucase ; tous désirent attacher leur nom à quelque grande entreprise qui les rende populaires. De tous les généraux en chef, l’homme le plus distingué comme administrateur et comme militaire a été le général Yermoloff. Le général Paskéwitch a commandé quelques expéditions heureuses, mais il a négligé entièrement le sort des populations qui lui étaient confiées. Le baron Rosen, et après lui le général Golavine, ont pris un commandement qui exige des connaissances, une supériorité de vues et de jugemens, dont ces deux généraux n’ont jamais fait preuve.

La Russie, servie avec tant de dévouement et tant d’habileté par ses agens diplomatiques, manque d’hommes capables de remplir les hauts emplois de son gouvernement. L’empereur se trouve souvent forcé de laisser en place des gouverneurs dont il est mécontent, faute d’avoir un agent sûr qui puisse les remplacer. Aucun contrôle n’est exercé sur les employés, qui, loin d’exécuter les ordres qu’ils reçoivent, commettent les abus les plus crians. À la suite d’une commission d’enquête envoyée par l’empereur en 1837, pour lui communi-