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DE L’ARIANISME.

pas d’autre portée que de faire du Christ le plus sage, et en ce sens le plus divin de tous les hommes. Si l’on veut trouver dans l’histoire des hérésies une doctrine qui ait des analogies avec celle de Spinosa, il faut s’adresser au sabellianisme. Comme Sabellius, qui s’était inspiré du mosaïsme, le juif d’Amsterdam ne reconnaissait qu’une souveraine unité qui pouvait avoir plusieurs faces, mais non se diviser en personnes distinctes. Spinosa identifiait l’intelligence avec la volonté ; à ses yeux, l’amour intellectuel de Dieu pour l’homme est le même amour par lequel Dieu s’aime lui-même. Tout tombe donc dans le gouffre de l’éternelle substance, et l’identité de Dieu, de l’homme et du monde repousse toutes les distinctions trinitaires. On peut, au point de vue historique et dans une certaine mesure, estimer qu’avec Spinosa le sabellianisme reparaissait, mais transformé, mais élevé à la puissance d’une réflexion qui a su tout embrasser et tout approfondir.

Il est exact de dire que la théologie catholique est à la fois aux prises avec Platon et Spinosa. Platon, par l’organe de ceux qui ont fondé et soutenu l’arianisme, dit aux chrétiens : Puisque vous adorez le fils de Dieu, distinguez-le du père ; ne dites pas qu’il lui est consubstantiel, mais reconnaissez qu’engendré lui-même à son tour, il a créé le monde, et qu’il est le logos divin que j’ai emprunté aux doctrines orientales pour le faire régner dans la philosophie grecque. De son côté, voici Spinosa qui s’adresse au christianisme, et sa thèse est celle-ci : Si le christianisme à raison de proclamer l’unité de Dieu, il a tort d’admettre des personnes au sein de cette unité, et il ne devrait reconnaître que la substance absolue.

Qu’a fait cependant la philosophie catholique ? Elle a entrepris de répondre, à Platon par Spinosa et à Spinosa par Platon. Au logos divin qui est différent du père, elle oppose le principe de l’unité de Dieu, et d’un autre côté, dans la substance absolue, elle introduit le verbe créateur : voilà le nœud de la question métaphysique.

Au point de vue philosophique, cette solution n’est qu’une transaction dont les termes se contredisent ; au point de vue de la religion, elle est un dogme, un mystère.

Depuis le IVe siècle jusqu’au XIXe, la question de l’arianisme a traversé bien des phases. Les opinions mêmes d’Arius, grace à la faveur de plusieurs des successeurs de Constantin, jouirent en Orient d’un assez long crédit, puis elles eurent l’insigne fortune de se faire accepter par une partie des peuples barbares qui se jetèrent sur le monde romain. Les Goths les adoptèrent et les répandirent dans