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DE L’ARIANISME.

et de Dieu. Il disait que le Fils n’avait été qu’une forme de l’unité divine tombée passagèrement dans l’humanité, et que le Saint-Esprit était la présence permanente de la Divinité dans l’église. D’après Sabellius, le Fils et le Saint-Esprit n’agissaient donc pas, soit avant l’époque de la création, soit avant la rédemption ; ils n’étaient que des révélations ultérieures de Dieu, révélations qui se manifestèrent quand le Père se décida à créer le monde, puis à y intervenir directement. Et quelle est la conséquence de la doctrine sabellienne sur la Trinité ? C’est que l’homme n’est pas tombé. Le christianisme n’est plus une rédemption, mais seulement une évolution nouvelle de la Divinité, évolution qui n’est peut-être pas la dernière.

Ainsi reparaissait la doctrine de l’unité absolue. Avant Sabellius, Praxeas et Noëtus l’avaient enseignée. Le sabellianisme devait être bientôt suivi d’une autre hérésie qui dans l’histoire des débats théologiques se développe sur une ligne parallèle. Sabellius confondait le monde et Dieu ; vint Arius qui isolait Dieu du monde, en plaçant entre Dieu et le monde un être intermédiaire. Cette fois c’était Platon qui faisait invasion dans le dogme chrétien ; c’était sa doctrine riche de tous les développemens et de toutes les transformations qu’elle devait aux enseignemens et aux systèmes de l’école d’Alexandrie, qui entreprenait, au sein même de l’église, de modifier profondément les bases du christianisme.

Un théologien allemand, enlevé trop tôt à la science, Jean-Adam Mœhler, a fait sur l’arianisme de profondes études qu’il a livrées au public sous la forme d’une biographie d’Athanase. Dès qu’il commença à s’instruire de l’histoire ecclésiastique, Mœhler, qu’une foi sincère attachait au catholicisme, fut frappé de la grande figure de l’illustre adversaire d’Arius. La vie agitée d’Athanase, son courage, sa doctrine, les trésors de sagesse et d’éloquence renfermés dans ses écrits, produisirent sur le théologien allemand une impression assez profonde pour l’engager à consacrer à ce père de l’église un ouvrage considérable où il traiterait à fond la question même qui fut l’objet des travaux, la cause des malheurs, la source de la gloire du grand évêque. Mœhler, qui depuis enrichit la théologie catholique d’une symbolique à laquelle les écrivains protestans ont répondu par de savantes controverses, commença sa carrière d’écrivain par une histoire d’Athanase-le-Grand et de l’église de son temps en lutte avec l’arianisme. Ce livre répond tout-à-fait à ce que les théologiens et les jurisconsultes appellent une histoire interne. Mœhler ne s’est point occupé de rechercher l’ordre chronologique et l’authenticité des écrits