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LES PROVINCES DU CAUCASE.

Astrakhan et Salian ou Lenkoran. Le capitaine se plaignait de la nécessité dans laquelle il se trouvait d’aller mouiller à l’île de Sara, plus remarquable par son climat pestilentiel que par la richesse et la fertilité du sol. Dans un ouvrage publié par le comité des finances, sur les ressources que peut offrir la Géorgie, on a évalué le rapport de l’île de Sara, en cannes à sucre, cotons et indigo, à plusieurs millions de roubles. Une seule difficulté empêche de réaliser ce brillant résultat : c’est que tous les hommes que l’on y envoie périssent après un court séjour. Chaque année, la garnison, forte de cinq cents hommes, est détruite par les maladies.

L’île de Sara est presque en face de Salian, lieu renommé pour ses pêcheries. La saison des pêches n’étant pas encore arrivée, je renonçai à faire le voyage de Bakou à Salian. Les pêcheries donnent chaque année à la couronne un revenu de 200,000 roubles (800,000 francs). Lorsque la pêche est favorable, on prend dans le Kour de dix à vingt mille poissons par jour. La pêche dure cinq mois de l’année, à partir de la fin d’octobre.

Bakou est une ville mieux bâtie et plus régulière que Derbent et Kouba. La population s’élève à sept mille ames environ. Quoiqu’elle ait appartenu successivement aux Turcs, aux Persans, et aux Russes sous Pierre-le-Grand, cette ville a conservé quelques anciens monumens de ses khans. Le général Tsitsianof, gouverneur de la Géorgie, ayant été tué par le khan de Bakou, en 1806, la ville fut prise et incorporée au gouvernement du Caucase. Bakou est administrée par un divan composé d’indigènes et présidé par le gouverneur, qui, ici comme à Derbent, ne consulte le divan que pour la forme. Les habitans de Bakou, Persans d’origine et de religion, se sont signalés par leur esprit d’hostilité à la Russie. Aujourd’hui, que le gouvernement de la Perse a passé entre les mains des Russes, si ce n’est nominativement, du moins de fait, la tranquillité du pays n’a plus rien à craindre de ces souvenirs d’ancienne nationalité.

Le commerce de Bakou a presque entièrement cessé depuis l’incorporation de la Géorgie au système général des douanes de l’empire. Il n’y a que le naphte qui donne encore un peu de mouvement à cette place. Je visitai les réservoirs où l’on conserve le naphte jusqu’à ce qu’il soit livré aux acheteurs. Le gouvernement vend 28 francs les quatre cents kilog. La ferme du naphte donne à la couronne un revenu de 160,000 roubles argent (640,000 francs), et le commandant m’assurait que le produit devrait être de près du double, si les agens chargés de le percevoir s’acquittaient de leurs fonctions avec probité.