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si elle n’avait pas pensé que l’article 18 était purement réglementaire, de nature à être valablement modifié ou abrogé par une ordonnance ? Pourquoi rendre cette ordonnance, si elle devait être inutile ; que dis-je, si elle devait être illégale ? Car, si l’article 18 ne peut être abrogé que par une loi, l’administration a violé la loi, et elle a frappé d’illégalité et d’injustice les arrêts de la cour des comptes, en promulguant une ordonnance dont les dispositions, fidèlement exécutées depuis vingt ans, sont formellement contraires à l’article 18 du décret de 1807.

Admettons cependant que la prétention soulevée contre la cour des comptes soit juste en principe. Admettons que l’article 18 du décret de 1807 ait encore force de loi, que ce soit une arme dont l’administration puisse se servir légalement. C’est ici que se présente la question de savoir si ce décret peut être sérieusement invoqué dans le régime où nous sommes, devant nos principes en matière judiciaire, devant nos lois, nos mœurs politiques, devant les chambres, qui veulent un examen sérieux du budget, devant cet esprit de contrôle, épreuve obligée de tous les pouvoirs publics, devant l’intérêt même de l’administration, dont le crédit fait la force, et qui perdrait bientôt la confiance du pays, s’il était admis en principe qu’elle peut se refuser à justifier l’emploi des fonds de l’état. Sur cette question, nous n’éprouvons pas le moindre doute, et nous comptons sur l’assentiment de tous les hommes éclairés.

Qu’est-ce que la cour des comptes ? Un tribunal qui juge entre l’état et les comptables. Or, pour juger, il faut connaître. Tous les tribunaux ont le droit d’instruction, c’est-à-dire la faculté de réclamer les pièces nécessaires pour éclairer leur conscience. C’est l’opinion du vénérable Henrion de Pansey, que le pouvoir juridictionnel réside tout entier dans cette faculté de connaître et de juger. En effet, si le magistrat ne connaît pas, si sa religion n’est pas éclairée, comment veut-on qu’il juge ? Quoi ! un tribunal est établi pour dire : Tel comptable a payé régulièrement, tel autre aurait dû ne pas payer ; et vous voulez que ce tribunal rende son jugement sans preuves ! Vous voulez qu’il s’arrête au pour acquit d’une ordonnance ou d’un mandat de paiement, sans vérifier, sans constater sur pièces le droit de la partie prenante, sans être convaincu que l’état était débiteur, que le paiement a été fait au véritable créancier de l’état, et que l’état est libéré ! Vous voulez donc une justice aveugle ou immorale ! Cette prétention ne peut se soutenir. Si la cour des comptes est un tribunal, si les lois qui l’ont instituée, qui l’ont organisée en corps judiciaire, en cour