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qui commandent l’admiration des hommes ; vous êtes sorti de peu pour arriver à tout ; vous avez eu pour vous la nature et la fortune ; vous avez gouverné, vous avez dominé, vous avez vaincu. Mais ce n’est pas tout que d’être illustre, il faut être utile. Vous n’avez travaillé qu’à l’abaissement des hommes, et vous avez tout sacrifié à votre passion pour la domination. Vous avez trompé votre pays par des vertus factices ; vous l’avez égaré à votre exemple ; vous avez flatté en lui ce goût de l’excès qui devait lui être si funeste. Voyez maintenant ce que vous avez fait et ce qui a succédé à cette Espagne que vous avez vue si belle. Votre gloire même est une accusation de plus contre vous. Vous ne vous êtes pas contenté de vous donner les grandeurs du présent ; vous avez voulu vous assurer aussi celles de l’avenir. Vous avez asservi jusqu’à l’esprit national lui-même, ce qui est un des plus grands attentats qui puissent être commis contre la liberté humaine. Heureusement, si fort que vous soyez, vous n’êtes pas le maître éternel des consciences. Vous serez enfin jugé à votre tour, vous qui avez tant condamné, et la liberté sera plus juste pour vous que vous ne l’avez été pour elle : elle reconnaîtra votre génie, tout en le maudissant.


Léonce de Lavergne.