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tinction, qu’on pourrait établir autrement et mieux, suffira, nous l’espérons, pour notre but. Elle s’est réalisée d’ailleurs en grand dans l’histoire du paysage. Il est évident que le Titien, le Dominiquin, les Carrache, Rubens, le Poussin, et en partie Claude Lorrain, ont autrement conçu la représentation de la nature que Ruysdaël, Wynantz, Berghem, et en général l’école hollandaise et flamande. L’opposition de ces deux systèmes s’est reproduite de nos jours, depuis la renaissance de ce genre, sous d’autres formes, et elle est assez marquée au salon actuel pour fournir une base de classification acceptable, sinon rigoureuse.

Le plus habile de nos paysagistes naturalistes est sans contredit M. Cabat. Il s’est créé une manière qui a eu des imitateurs. Il a un sentiment profond et vrai de la nature. S’il n’en voit que peu de côtés, les côtés qu’il voit, il les rend avec beaucoup de délicatesse et de charme. Il ne court guère après ce qu’on appelle les beaux sites, qui ne sont souvent que des décorations de théâtre. Quelques arbres, un chemin, un coin de forêt, lui suffisent ordinairement. Son Paysage (no 258) nous met au milieu d’un bois traversé par un chemin ; deux ou trois bûcherons travaillent à abattre un arbre. Partout le calme, le silence, le repos, mais peut-être aussi l’immobilité. La nature vit dans les paysages de M. Cabat, mais c’est d’une vie un peu sourde ; ses arbres, d’un dessin si simple et d’un port si naturel, sont presque, sinon tout-à-fait, immobiles ; l’air circule bien entre leurs feuilles, mais sans les agiter. De là un peu de froideur et de monotonie dans l’effet. Nous prions M. Cabat de nous faire une seconde Vue de Narni.

La foule des paysagistes de cette catégorie est si pressée, qu’il faudrait un travail spécial pour rendre à leurs œuvres la justice qu’elles méritent, pour établir les rangs et faire les distinctions qu’elles comportent. Réduits à la nécessité de simples mentions, nous citerons, comme principalement remarquables : la vue des Environs d’Orbitello en Toscane, par M. Lapito, si riche en motifs pittoresques et d’une si belle lumière ; la vue d’une vallée des Alpes, de M. Dagnan ; la montagne boisée, à gauche, légèrement éclairée des premiers feux du jour, tandis que le côté opposé de la vallée est encore plongé dans l’ombre, est d’une transparence et d’une finesse de ton admirables. Ces sites alpestres sont très recherchés des paysagistes, parce qu’ils offrent par eux-mêmes et comme simples masses des formes et des aspects très frappans par leur singularité, sur l’effet desquels on compte plus ou moins. Parmi les paysages de cette nature ceux de M. Calame et particulièrement sa Forêt de sapins (no 267) semblent