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MADAME DE LA GUETTE.

Elle envoya quérir un carrosse de louage et se mit à la recherche de son mari. Son déplaisir fut grand lorsqu’elle apprit que M. le prince, le comte de Marsin, le duc de Longueville et leur suite fuyaient vers le midi de la France. La rébellion vaincue à Paris se réfugiait en Guienne, tandis que la cour rentrait au Louvre. Jacqueline, sans perdre courage, s’apprêtait à courir les risques du voyage. Elle fût partie à l’instant même, si la blessure de son valet ne l’eût obligée à un retard. L’aventure du four à chaux et la fausse alarme donnée au duc de Lorraine avaient eu de l’éclat. La reine-mère elle-même se fit raconter cette histoire dans sa ruelle. On donna beaucoup d’éloges à la dame inconnue qui avait si bien servi le roi et M. de Turenne ; on voulait savoir qui elle était, et comme la vie de Mme de La Guette avait déjà servi de texte à plus d’un roman, il se trouva par hasard un gentilhomme qui la reconnut au portrait qu’on en faisait. On comptait alors en France plusieurs femmes vaillantes ; mais on n’en savait que deux qui fussent proches de Paris : l’une était la dame de Saint-Balmont, qu’on appelait le dragon de la Champagne, et l’autre était notre héroïne. Un matin, Mme de La Guette, en traversant à cheval le quartier du Marais, tomba au milieu de la place Royale, sans se douter que ce fût la promenade à la mode. Des gens de la cour qui passaient l’abordèrent le chapeau à la main, et, lui ayant demandé son nom, la prièrent de les accompagner jusque chez la reine. On la mena au Val-de-Grace, où demeurait Anne d’Autriche. Sa majesté embrassa la belle amazone, la caressa beaucoup, lui donna les louanges qu’elle méritait pour avoir servi le roi utilement, et lui promit qu’on la récompenserait lorsque les troubles seraient finis. Jacqueline parla de son envie de ramener le prince de Condé dans la bonne voie, et demanda la grace de M. de La Guette, qui lui fut accordée d’avance.

— Par ma foi, dit la reine, si nous avions toutes autant de cœur que cette gentille guerrière, les séditieux ne nous résisteraient pas. Pour l’honneur de notre sexe, il faut que nous l’aidions dans ses projets.

Et se tournant vers sa suite, elle ajouta :

— Messieurs, lequel de vous veut se charger d’accompagner Mme de La Guette jusqu’au terme de son voyage ?

Un gentilhomme, qu’on nommait Saint-Olive, répondit qu’il le ferait volontiers. La reine lui donna les papiers nécessaires pour avoir la protection des gens du roi pendant le chemin, et il fut convenu qu’on partirait dans huit jours. Cette entrée à la cour pouvait