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DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

point de soldats, toute la jeunesse vigoureuse fût prête à s’armer pour la défense nationale, les autorités ayant reçu les armes et l’argent nécessaires à cet effet, etc. À quelques heures de navigation de ces îles, sur la terre ferme, se trouve Tong-tchéou[1], ville assez considérable et fortifiée, d’où l’on vit venir une jonque ayant à bord une espèce de mandarin qui savait quelques mots d’anglais ; il était porteur des complimens du gouverneur de la place, qui paraissait fort empressé de se concilier la bienveillance des barbares et de leur fournir ce dont ils pourraient avoir besoin. Son envoyé fut reconnu pour avoir été employé, par une maison anglaise, à Canton, comme comprador pendant les crises de 1839, en sorte que tous les détails de la grande affaire entre Elliot et Linn lui étaient familiers. Il donna quelques détails intéressans sur l’état actuel du pays et sur les moyens que le gouvernement chinois pouvait mettre en usage pour défendre ses côtes contre les incursions des barbares. Selon lui, le Yang-tsé-kiang étant considéré comme pouvant conduire aux points les plus vulnérables de l’empire[2], on faisait de grands préparatifs de résistance tant à Nanking que dans les autres villes situées sur la rivière. Le gouvernement avait annoncé qu’une armée de 50,000 hommes était rassemblée dans la province ; mais la majeure partie de ces forces n’existait que sur le papier, et les troupes réelles étaient mal armées et sans artillerie. Parlant de Péking, il dit que c’était une ville beaucoup plus pauvre et contenant beaucoup moins de grands édifices (le palais impérial et autres palais exceptés) que la ville de Canton ; qu’on s’était attendu à une attaque dirigée contre cette dernière ville, et qu’on avait rassemblé beaucoup de troupes dans le voisinage. Par l’intermédiaire de ce personnage, des communications s’établirent entre l’escadre et la ville de Tong-tchéou, et la Modeste ayant été envoyée près de terre pour faire quelques observations, les autorités chinoises se montrèrent extrêmement polies et empressées. Le capitaine Eyres passa la nuit à terre dans une tente qu’on fit dresser pour lui près d’un camp, et où les mandarins vinrent lui rendre visite. La ville parut être d’une grande étendue, entourée d’un mur tant soit peu endommagé, et dont un angle était baigné par la mer. À cet endroit, la Modeste aurait pu s’approcher juqu’à demi-portée de pistolet du rempart.

  1. Ou plus probablement Ten-tchou-fou, l’un des points visités par lord Macartney. Il y a une ville Tong-tchou-fou, non loin de Péking, où l’ambassade s’arrêta un jour, et d’où elle se rendit par terre à la capitale de l’empire.
  2. Le Conway et l’Algérine avaient été envoyés en reconnaissance à l’embouchure du Yang-tsé-Kiang, avec ordre de remonter le fleuve ; ces bâtimens paraissent avoir poussé leur exploration hydrographique jusqu’à un point éloigné d’environ cinquante milles de la jonction du fleuve avec le grand canal, et situé par 120° 28′ longit. et 31° 49′ lat. Le fleuve, à cet endroit, n’avait pas moins de sept à huit milles de largeur. Le chenal, large de trois quarts de mille à un mille et demi, était prodond de six brasses. Ces résultats sont d’une grande importance en ce qu’ils établissent la possibilité, pour une escadre légère anglaise, de pénétrer au cœur même de l’empire en cas de reprise des hostilités.